vendredi 24 août 2018

Monsieur Viannet de Véronique Le Goaziou

Monsieur Viannet de Véronique Le Goaziou aux éditions La Table Ronde, 16 euros.

Notre rôle de libraire est aussi, en cette rentrée littéraire, de partager avec vous des textes plus intimes et hors des sentiers battus. Monsieur Viannet fait partie de ces inclassables que la lecture laisse tantôt songeur tantôt abasourdi.
L'idée de l'auteur est brillante: mettre en scène un entretien entre une cadre d'un cabinet d'études réalisant des sondages sur des faits de société, et un homme juste sorti d'un centre de réinsertion. Le but étant, pour la narratrice, d'étudier l' "après".
Ce dialogue s'inscrit donc en apparence dans un cadre très strict d'entretien sociologique, entre une professionnelle et un homme qui sort de prison.

Le lecteur est pris alors dans un véritable huis-clos: dans cet appartement très étroit de banlieue parisienne, pas de meubles, juste des matelas posés au sol. Pas de décoration, juste des canettes de bière vides et une rangée prêtes à être consommées dans l'heure. Il fait froid, il n'y a pas de chauffage et nous sommes en plein hiver. On pourrait dire: "il n'y a rien". Et pourtant, il y a tant à dire... A commencer par un troisième personnage: Madame Viannet. En apparence effacée, dans un coin du salon, toujours repliée sur elle-même, les cheveux tombants sur ses jambes, elle développe au fil du roman une force puissante et essentielle pour comprendre le lien entre elle et son mari, entre eux et leurs enfants... 
L'entretien se fait en plusieurs sessions, et à mesure que la narratrice rend visite à Monsieur et Madame Viannet, quelque chose se passe: une fascination à leur égard, une sympathie certains jours et un rejet à d'autres moments. Vous l'avez compris, ces rendez-vous amènent la narratrice à repenser sa place, à s'interroger sur elle-même.

Dans ce roman intime et troublant, Véronique Le Goaziou, sociologue de formation, dresse un portrait magnifique et désolant d'un homme sur le déclin, tout en peignant une société à la dérive. Le lecteur se trouve comme au théâtre, au plus près des voix et des émotions, donnant au récit toute la force du savant mélange entre littérature et sciences humaines.


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