vendredi 17 août 2018

A son image de Jérôme Ferrari

 A son image de Jérôme FERRARI aux éditions Actes Sud, 19 euros.

La destinée d’Antonia, héroïne tragique d’A son image, contient de multiples thèmes déjà chers à Jérôme Ferrari dont le plus prégnant est celui de la Corse. 
Cette fois il en va des heures (glorieuses et moins glorieuses) de l’indépendantisme, dont l’auteur propose une version tragi-comique, qui feront le miel des chroniqueurs de la cause.
Mais si cet aspect si accaparant de l’île de beauté tient une place prépondérante, il n’en est pas, loin s’en faut, central. Le déplacement effectué par l’auteur aborde un autre thème essentiel à l’œuvre de Ferrari: les guerres. 
Antonia donc, femme corse en lutte avec les idées préconçues sur le rôle de la femme dans l’identité corse, est amoureuse d’un des leaders indépendantistes. Elle transporte tout au long du roman le potentiel colérique de l’auteur quant à la stupidité et l’incompréhensible voire insoutenable injustice que la guerre génère. 
Antonia toujours, sera donc confrontée à celle dite d’ex-Yougoslavie. Un choix qui intervient vers la fin du livre au moment où la vision de son métier de photographe pour un journal local ne lui procure plus aucune satisfaction. Mais, avec Jérôme Ferrari, la modernité ne tient plus compte de l'implacable force caractérielle de ses personnages. Ces derniers sont chahutés jusque dans leurs convictions les plus essentielles. Ainsi, le prêtre et aussi oncle d’Antonia, dont il serait idiot de révéler l’importance, est un être tout aussi bousculé par les événements que sa nièce. Plus encore, son ressentiment prédomine et Jérôme Ferrari, qui a tutoyé avec bonheur le roman philosophique, dissémine dans A son image le questionnement religieux qu’Emmanuel Carrère pourrait par ailleurs lui envier. 

Cette écriture gorgée d’intensité de Jérôme Ferrari ne s’embarrasse d’aucune lourdeur métaphorique, elle est tranchante et donne, crûment, s’il le faut, la vérité de l’auteur. Antonia c’est moi, pourrait énoncer Ferrari mais c’est aussi tous ses autres personnages - des hommes principalement - rendus avec précision dans leurs moments de plus grande faiblesse.

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