C’est en lisant, année après année, ce que l’on appelle la production locale (issue en l’occurrence du bassin d’Arcachon) que l’on est en droit de penser à une ligne de démarcation littéraire entre le nord du bassin (qui se définit d’Andernos au Cap-Ferret) et le sud (qui part d’Arcachon jusqu’à Gujan-Mestras). Un no man’s land s’étendrait du Teich à Lanton (zone sans doute insuffisamment irriguée ou trop vaseuse pour y fixer de durables écrits).
Le sud, donc, engendrerait des livres à vocation historique. Cela parait logique, le lieu est visité depuis toujours par des représentants officiels (de Napoléon III à Nicolas Sarkozy) bien moins artistiques (people ?) que ceux, aujourd’hui, qui côtoient le nord (Guillaume Canet par exemple voire Pascal Obispo). Mais tout cela, bien évidemment, se discute.
La contrée du sud ayant l’avantage d’être, aujourd’hui encore, plus accessible avec l’avènement du chemin de fer que celle du nord (qui ne le reçoit plus), inciterait cette dernière, grâce à son étendue (l’hiver bien sûr !) plus sauvage et par conséquent moins habitée, à un développement et à un penchant plus romanesque, plus libre, dégagée de ces contraintes de l’Histoire et peut-être même plus attirée vers un genre plus « joueur », le polar.
Guy Rechenmann, si l’on en croit la situation géographique de ce Même le scorpion pleure, s’affiche indubitablement en homme du nord. Le néophyte, s’il veut suivre les pérégrinations d’Anselme Viloc - l’inspecteur récurrent de Guy Rechenman - devra se munir d’une carte pour localiser ces lieux que sont Les Jacquets, Piraillan, Le Canon ou encore Bélisaire.
Technique très appréciée des amateurs avertis que d’offrir des repères que l’on s’accorde en «gens du coin» à bien connaître. Anselme Viloc que le métier d'inspecteur (et non pas commissaire) oblige à se rendre à Bordeaux, passe des vacances dans sa maison du « bassin » et, fatalement, est confronté à quelques étrangetés qui dérèglent son repos.
Reconnaissons à Guy Rechenmann un ton paisible qui sied aux lectures estivales. Si l’on meurt d’une manière régulière dans Même le scorpion pleure, cela se fait après coup. La police constate les décès qu’elle décrète accidentels. Nous comprenons après d’intenses cogitations d’Anselme Viloc que la mort rôde autour de certaines maisons vendues en viager. La personnalité de cet Anselme Viloc, omniprésent, est, concomitamment, le sujet d’une grande digression qui emprunte les voies de la psychanalyse et de l’hypnose. Il y a ainsi un éloignement de l’enquête assez troublant si l’on n’est pas un familier du dit Anselme Viloc dont Même le scorpion pleure est le quatrième opus.
Cependant l’affaire qui préoccupe vraiment le lecteur se rapproche à pas feutrés du monde de la radiesthésie et donne une réelle originalité au roman. Si l’auteur confie à la fin de son ouvrage que l’enquête fut fort compliquée (à écrire), il aura réussi néanmoins à nous questionner sur la bonne orientation de nos lits et sur les points négatifs de nos maisons (et immeubles ?).
Formidable analyse! j'en perds la boussole...Pour la prochaine enquête je l'expédie à Bougival en quête d'un absolu, impossible à atteindre sur la côte Nord et pour cause ... Bravo François Boyer
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