Voilà le genre de livres qui se transmettent sans tapage mais dont on a l'assurance qu'ils seront bien lus.
Pierre Adrian avait publié La piste Pasolini qui s'empara en 2016 du Prix Des deux Magots et nous permit de découvrir un visage plutôt pâle, parisien, revenu du fin fond de la banlieue romaine, là où fut assassiné Pier Paolo.
Cette fois, notre homme est passé à Lescun (Pyrénées Atlantiques) dans la vallée d'Aspe au bout de laquelle se trouvent le col du Somport et son tunnel routier mais aussi ferroviaire. Ils ont chacun leur histoire et leur drame. Il s'agit donc d'une histoire régionale que le narrateur débute au monastère de Sarrance où frère Pierre a voué son âme.
"Ces lieux n'existent que par lui. Il s'est donné, tout entier. Il ne soupèse pas. Un cardinal, un sage, un sportif de haut niveau, je ne sais pas, un héros même..."
Nous sommes en décembre, Pierre Adrian écrit dans un style qui le rapproche de la lignée des écrivains voyageurs. Il magnifie les êtres ou bien trouve en eux l'essence de leur âme. Il reprend les phrases entendues et reprises comme des confessions, de celles que l'on accorde seulement aux étrangers. Ces hommes, que la vie a malmenés, sont tous dans le questionnement de Dieu. Noël approche, une fête qui isole plus qu'elle ne rapproche. Dans la montagne, la puissante solitude apparait effrayante.
L'histoire de la vallée surgit à chaque instant. Le trafic routier incessant des camions qui partent en Espagne, l'accident ferroviaire de 1970 qui mit fin à la ligne Pau-Canfranc, la rivalité entre basques et béarnais, les légendes multiples des gens de la montagne, les chants, le bruit du gave...
Il y a comme un sentiment de mort qui transpire dans ce livre. Certes, une mort lente, conforme au dépeuplement, à l'échec vécu au devant la nature qui, elle, a tout son temps pour reprendre possession des choses.
Le voyage à la gare de Canfranc en est l'exemple le plus brutal. Cette gare, la deuxième plus grande d'Europe (après celle de Leipzig), est aujourd'hui une gare fantôme, un souvenir d'ambitions déchues, un rêve évanoui.
Le livre de Pierre Adrian nous emporte alors dans sa nostalgie régnante. Pierre Adrian a succombé à l'irrésistible attrait pour le passé qui navigue en chaque être rencontré. Cette nostalgie parfois s'égare à l'image d'Etienne persuadé que la ligne Pau-Canfranc sera bientôt réouverte. Douce chimère qui s'envole dans les pensées poétiques de Des âmes simples, pensées qui contiennent bien plus qu'une adhésion à la religion catholique. Elles s'attachent d'abord à sonder le tréfonds de l'âme humaine sans affirmer que l'on y trouvera Dieu. Elles l'espèrent seulement.
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