samedi 18 février 2017

Trois ex de Régine DETAMBEL

Trois ex de Régine DETAMBEL aux éditions Actes Sud, 15,80 euros.


Régine Detambel a gardé pour la fin le terrible ressentiment qui l’a tenue, pendant toute l’écriture de cette vie hallucinée du dramaturge August Strindberg, envers ses détracteurs. Ce sont des extrémistes religieux qui prendront, au final, pour tous les autres.  « D’impénétrables connards » nous dit-elle qui seront les derniers à s’en prendre à Strindberg et ce choix de l’auteur n’est évidemment pas de l’ordre du hasard. Lisons-la :

« Ces tarés dégoutants, agenouillés frénétiquement dans la terre meuble, avec l’air de chercher des limaces, gâchèrent leurs pantalons pour faire on ne sait quelles horreurs à des bouquets de fleurs, les brutes, tremblants de plaisir à l’idée que Dieu, Qui ne dort jamais, n’a rien de mieux à faire qu’à mater ce genre de petite scène et S’émerveiller présentement de voir Ses croyants Lui faire l’inestimable cadeau de transformer la tombe fleurie d’un pauvre type en une petite friche toute salopée, et ils remontent leurs manches de plus belle et ils secouent leur tête encore plus fort, leurs crachats dégoulinent sur le marbre, il faut qu’il paie, le mécréant, il faudra qu’il paie encore et toujours, hurlent ces impénétrables connards, et ils tournent leurs yeux écarquillés vers le ciel, mais il n’y a vraiment pas grand-chose à voir là-haut, Dieu seul peut savoir si c’est à cause de la pluie. »

Voilà pour le compte de « ces tarés dégoutants » qui s’attaquèrent, la nuit qui suivit les obsèques pour lesquelles des milliers de personnes se déplacèrent, à la tombe du grand écrivain suédois.

Ce fut comme le point final de toute une succession d’ennuis rencontrés par un homme que Régine Detambel embrasse par son aspect le plus terrifiant : sa vie avec les femmes. 
Elles furent tout de même trois à l’épouser, à déceler en lui la surcharge d’amour qui le constituait sans compter avec la souffrance qu’aussi elles endureraient. Siri, Frida et Harriet se sont reconnues à travers le génie théâtral de Strindberg qui parcourut son temps en alignant scandales, échecs retentissants, misère, déchéance et folie…
Sous la plume de Régine Detambel, August Stindberg apparait comme l’accomplissement parfait de l’artiste maudit, malheureux en tout. « L’or » final qui lui est attribué alors qu’il va bientôt mourir est également une source pesante et risible d’emmerdements. 


Ce livre, guidé par une précision stylistique pénétrante, nous enveloppe de la personnalité entêtante du suédois, théâtral à l’extrême dans ses désirs, dans ses pleurs et dans sa quête effrénée du succès. Cette vie de Strindberg que l’on a souvent tenté d’approcher parce qu’elle coïncidait avec l’idée de la folie créatrice ultime, est perçue cette fois avec un beau et touchant attachement pour un homme qui détesta au plus haut point le mariage et la vie conjugale. Hommage ultime, c’est une femme qui l’écrit en se substituant aux trois femmes de sa vie.

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