Voici encore un livre négligemment laissé sur le bord de la route ultra fréquentée des romans de l’automne. Un livre « impressionniste » dont la couverture emprunte à Corot un détail d’une « Vue d’un port en Bretagne ». L’époque où l’histoire se situe importe moins, à son début, que le lieu qui, aujourd’hui encore, perpétue la vie ancestrale qui prédomine en ces îles de petite importance à l’image de celle qui nous préoccupe.
Une petite île où débarque le jeune Henri ignorant, à ce moment-là, que son séjour n’excèdera pas 24 heures. Henri se sent fortement observer en tant qu’étranger alors que, débarquant dans un bar, il réclame quelques précisions sur la maison où il doit se rendre chez Youna. Youna est la femme aimée qu’Henri n’a pas vue depuis plusieurs années, depuis qu’elle a choisi de s’installer sur l'île, seule, pour peindre.
Henri, lui-même artiste - il est graveur - imagine en son for intérieur que Youna et lui pourraient être à nouveau ensemble et créer d’un même élan, chacun dans son atelier. Il est venu pour cela, pour voir et parler à Youna.
De terre et de mer est un de ses courts livres qui magnétisent le lecteur. Chaque phrase fait progresser inéluctablement son personnage principal vers une voie fatale, une destinée tenue par quelques détails, une déconvenue que Sophie Van Der Linden nous fait partager avec ce jeune homme bien trop sensible au vu de ce que l’Histoire avec sa grande hache (G. Perec) lui réserve.
De terre et de mer est aussi la description émerveillée d’un lieu. Henri, en une nuit d’été découvre l’enchantement que lui procurent l’île, son paysage, ses habitants et la rencontre fortuite avec quelques égarés, comme lui : un bourgeois iconoclaste habité par la musique, l’entraînement d’un marathonien poursuivi par la malchance, un pêcheur à pied au grand coeur et un marin vagabond qui sait qu’il doit fuir absolument la France et les français.
Songe d’une nuit d’été aurait été un bon titre aussi mais c’eut été sans compter avec les réalités, souvent tristes, des matins. Le bateau qui ramène Henri nous enlève cruellement l’île sur laquelle Sophie Van Der Linden a su si bien le faire déambuler :
« Henri se dressa d’un bond. C’était Youna ! Elle courait sur le môle et tentait de le rattraper. A cet instant, une forte bourrasque, incongrue sous ce ciel radieux, gagna en un éclair la surface de la mer qui se rida. Le creux de la grand-voile claqua. Le bateau fut brutalement secoué. Henri s’effondra au fond de la cale en se cognant le front sur le rebord de la coque. Sonné, il eut du mal à se réinstaller sur le banc. Quand il regarda de nouveau en direction du môle, la forme blanche s’était immobilisée. »
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