M pour Mabel* d’Helen MACDONALD aux éditions Fleuve noir
Helen Macdonald ne cache pas longtemps qu’il s’agit ici de sa propre histoire. Plus encore, un moment crucial de sa vie se déroule dans M pour Mabel. Cette universitaire anglaise vit à Cambridge lorsque son père** décède. Le séisme intérieur est considérable pour celle qui vouait à son père une admiration sans borne. Comment vivre après une telle tragédie qui ôte, d’une manière subite, un père à sa fille ?
Helen Macdonald, célibataire endurcie, est, depuis son enfance, une inconditionnelle des rapaces. Elle a énormément lu sur le sujet mais seul le livre d’un certain T.H. White*** retient son attention pour la raison qu’il relate l’échec de la domestication d’un autour (à ne pas confondre avec le vautour!). Les autours, justement, peuvent parfois être aperçus aux alentours de Cambridge. Une fugace rencontre dans la campagne anglaise se produit un jour et décide Helen à faire l’acquisition d’un de ces curieux animaux et de le dresser.
Le livre de T.H. White lui sert d’appui pour comprendre l’attitude si spéciale de ces rapaces si sauvages dans leur comportement et si déterminés dans leur acte de tuer. Helen appellera le sien Mabel et commencera une relation exclusive avec l’oiseau propre à conjurer, si tant est que cela soit possible, la disparition de son père.
Ce livre étrange et remarquable est une profonde introspection dont on ignore complètement ce qui en ressortira. Helen Macdonald questionne autant la vie de son père que le paysage anglais, mais encore les hommes et les femmes qui l’entourent et qui lui apparaissent comme à travers un bocal dans lequel elle se morfond sans perdre pour autant la force de son caractère ni son éclatante lucidité.
Que vaut la mort pour un animal mue par un instinct chasseur incomparable ? Il y a ainsi quelques sujets fondamentaux qui se meuvent dans M pour Mabel. Ce fort beau livre, on l’aura compris, qui se révèle être une quête intérieure au demeurant omniprésente est menée avec une acuité éblouissante. Il offre aussi, à nous lecteurs, une expérience littéraire inoubliable et de premier plan.
* Prix du meilleur livre étranger 2017
** Alisdair Macdonald (mort en 2007) fut un grand photographe de presse britannique.
*** T.H. White, The Goshawk (non traduit).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire