vendredi 16 août 2019

Sale gosse de Mathieu Palain

Sale gosse de Mathieu Palain, éditions l'Iconoclaste, 18 euros.
Sortie le 21 août

Wilfried a huit mois lorsqu’il croise pour la première fois la route des éducateurs de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ). Face aux difficultés familiales et sociales qui mettent son devenir en péril, le couperet tombe : il sera éloigné de sa famille biologique et placé dans une famille d’accueil. La force du roman de Mathieu Palain tient en sa capacité à nous montrer les tensions générées par cette décision.
Une tension palpable chez les éducateurs de la PJJ dont on suit le quotidien, les échanges, les doutes et les désaccords concernant le cas de Wilfried ; on partage alors la difficulté d’assumer la décision d’éloigner un enfant de sa famille et le coût subjectif que cela représente pour ces professionnels qui n’ont alors d’autre choix que de se serrer les coudes pour surmonter collectivement les doutes qui les assaillent individuellement. On appréhende aussi l’importance de ces éducateurs qui, au-delà de contribuer à décider du sort de cet enfant, sont aussi chargés de le suivre et de l’accompagner au mieux dans une vie faite de ruptures, de quête d’identité et de questions sans réponses.
Une tension présente aussi chez Wilfried qui, devenu adolescent, devient un joueur de football de haut niveau renvoyé du centre de formation d’Auxerre pour avoir fracassé à coups de pied la mâchoire d’un adversaire un peu trop rugueux. On comprend vite que cette colère sourde qui l’habite est un symptôme du malaise qui le hante : coupé de son passé, son avenir paraît inextricablement contraint par la violence sociale qu’il subit depuis sa naissance et qui le conduit presque par obligation à « faire le sale gosse » pour bénéficier d’une étiquette dans ce monde où il ne trouve pas sa place.
La description touchante et sans fard de l’interaction entre ces deux tensions qui traversent le roman conduit à comprendre la dépendance mutuelle entre Wilfried et les éducateurs de la PJJ : si Wilfried dépend des éducateurs pour donner du sens à son existence, ces derniers dépendent tout autant de Wilfried pour donner du sens à leur mission et y trouver la gratitude qu’ils ont arrêté d’attendre de leur hiérarchie. Mathieu Palain, journaliste dont le père était éducateur à la PJJ, s’est appuyé sur une enquête à la PJJ d’Auxerre pour être au plus près de la réalité du terrain : si on en juge par la claque que l’on prend dès les premières pages du roman, le procédé est réussi !

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