samedi 15 juillet 2017

La grande vie de Jean-Pierre MARTINET

La grande vie de Jean-Pierre MARTINET aux éditions de L’Arbre Vengeur, 9 euros.

Peut-on, en 2017, s’esclaffer encore de la sorte lorsque chaque jour nous incite à nous inquiéter un peu plus du monde comme il tourne ? 
Certes, Jean-Pierre Martinet n’est justement plus de ce monde, sa mort survenue dans le plus complet anonymat en 1993 nous questionne une fois encore sur le génie des vivants pour qui le succès n’adviendra jamais. Telle fut la destinée de Jean-Pierre Martinet qui 25 ans ou presque après sa disparition est une nouvelle fois célébré par les éditions bordelaises de L’Arbre Vengeur non dépourvues d’humour et de finesse littéraire.

La grande vie retrace le parcours du malheureux Adolphe Marlaud. Malheureux n’étant qu’un point de vue selon que l’on considère par exemple l’ineffable perte que représente pour un enfant la mort de ses parents. Adolphe, de cette double et tragique perte a choisi d’honorer celle du père dont il surveille la tombe depuis la fenêtre de son logis qui domine le cimetière Montparnasse. Ce père « héroïque » mort en 1953 plutôt que la mère disparue à Auschwitz certainement grâce à lui. 

Oui, Adolphe a choisi de vénérer ce père fonctionnaire modèle au lieu d’une mère qui le trompait sans vergogne et que le divorce de 1942 obligea a récupérer son nom « à consonance juive ». Mais Adolphe, ce « malheureux » subi en retour, sans que l’on sache vraiment qui de la poule ou de l’œuf a commencé de l’enquiquiner réellement, les avances frontales de sa concierge madame C., une poupée grotesque gardienne des lieux que l’on oblige, raconte t-il à la page 18 :

à traverser la cour pour aller chier. Ce qui lui arriver de plus en plus souvent, ces derniers temps. Elle avait la colique en permanence. Elle me demandait avec insistance si je ne connaissais pas un remède contre la chiasse. Non, je ne connaissais pas. Ce qu’elle supportait le plus mal, c’était de ne pas avoir des waters à elle, à son âge, après plus de vingt ans de bons et loyaux services au 47, rue Froidevaux. « Et en plus, mon petit Adolphe, des chiottes à la Turque! ».

"Pauvre petit Adolphe" bien en peine de se dépêtrer de madame C. alors qu’il a souvent des occasions en or qui se présentent à son travail. Quel travail ? Vous ne l’aviez pas deviné ? Tout près du cimetière, dans un magasin d’articles funéraires…

Tout le monde peut ne pas saisir l’humour de Jean-Pierre Martinet, sa drôlerie le rapproche d’un certain Pierre Desproges et La grande vie adapté et préfacé par Denis Lavant a reçu le Grand Prix de l’Humour Noir du Spectacle. Eric Dussert éclaire impeccablement dans sa postface les aléas de la vie et de l’œuvre de Jean-Pierre Martinet qui osa beaucoup et reçut peu. 
Pour preuve, cette rareté à propos du Bassin d’Arcachon écrite à la page 30.

Elle pleurait, l’endeuillée, elle pleurait, elle était toute moite, toute molle, elle fondait, et moi avec, égaré entre ses cuisses tièdes à l’odeur de poisson pourri, de varech, de parc à huîtres caressé par un vent chaud, du côté d’Andernos, quand le bassin d’Arcachon n’est plus qu’un paradis de vase, à marée basse, dans la grande lumière de midi.


Jean-Pierre Martinet était libournais.

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