La rage de Zygmunt MILOSZEWSKI aux éditions Fleuve noir.
La ville d’Olztyn en Pologne, de la région administrative de Varmie-Mazurie (nord-est), est, dans la mémoire du lecteur, la grande vedette de ce roman policier, à tout point de vue, délectable.
On devine d'ailleurs assez bien la satisfaction de l'auteur d’avoir envoyé son personnage, Teodore Szacki, procureur star de Varsovie, dans cette petite ville où l’on ne peut, parait-il, tourner normalement à gauche et d'où tombe du ciel « un truc dégueulasse », « une noirceur mauvaise et livide »,« un nocturne monochrome, empreint de froideur et de néant »
Il est vrai qu’au moment où débute l'histoire, nous sommes le 25 novembre 2014. Les nouvelles du jour nous apprennent que l'on vient de tester sur des souris la suppression du chromosome mâle Y et, qu'à partir de cela, on peut imaginer un monde où seules les femmes auraient survécu. On apprend encore que 100 000 personnes à Kiev sont sorties dans la rue, que le train Pendolino a battu le record de vitesse ferroviaire en Pologne : 293 Km/h, que Cracovie, troisième ville la plus polluée d'Europe, interdit le chauffage au charbon, que les habitants d'Olztyn ont émis le souhait d'avoir des pistes cyclables, un centre sportif couvert et un festival important mais aussi des routes pour vaincre le fléau des bouchons. Enfin, et voilà qui nous rapproche de ce qui va se déployer sur pas moins de cinq cent pages, qu'il a été établi, ce même jour, la journée internationale de la mobilisation contre la violence à l’égard des femmes.
Lentement mais sûrement, nous nous approchons de ce que Zygmunt Miloszewski nous a savamment concocté avec beaucoup de malice, à l’exemple de la présentation de certains de ses personnages.
« - Commissaire adjoint Jan Pawel Bierut, se présenta le policier qui, d’un air morose, anticipa certainement la plaisanterie qu’on ne lui épargnait jamais dans de telles circonstances. Pas facile de porter à la fois les prénoms d’un pape et le nom d’un dirigeant communiste honni. » p.42
« - Frankenstein, dit-il en lui tendant la sienne.
Il aurait fallu que le tonnerre gronde au loin. » p.70
« Le jeune magistrat avait des faux airs de Louis de Funes. Il ne l’avait pas remarqué parce que, primo, Falk était jeune, et, secundo, mortellement sérieux. » p.92
Et c'est avec ceux-là, entre autres, que le procureur star Teodore Szacki va traverser une période de sa vie qui ressemblera, en tout point, à l’enfer. Le lecteur, fasciné, l'accompagnera tout le long, en proie, pour sa part, à toutes sortes de manipulations.
La rage est, au final, un puissant thriller où s’affrontent d’un côté les idéaux d’un procureur incorruptible et de l’autre, ceux d’une organisation résolue à se substituer à la justice.
Un combat sans merci s’engage et nous observons le procureur Teodore Szacki naviguer dans un épais brouillard avec, malgré tout, la certitude d'avoir toujours un coup d’avance. Du moins le croit-il.
Zygmunt Miloszewski, noblesse oblige, rappelle au passage que son succès en France tient avant tout à Kamil Barbarski, son traducteur.
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