Ma part de gaulois de Magyd CHERFI aux éditions Actes Sud, 19,80 Euros.
En 1981, Magyd Cherfi a vécu l’évènement le plus notable de sa scolarité en passant le bac. Il a représenté, cette année-là, le premier arabe de sa cité. Jusque-là, la majorité des jeunes maghrébins se déterminaient en fonction de leurs aptitudes footballistiques. Rares étaient ceux qui étudiaient au-delà de la cinquième.
Magyd Cherfi a pris pas mal de coups pour ce vice, alors puni, de la lecture. On lui reprochait primo d’être un « pédé », deuxio de s’intéresser à la langue française, la première allégation étant forcément déterminée par la seconde. Pourtant Magyd Cherfi aimait le foot mais son amour de la langue française a fini par prendre le dessus.
Dans la cité toulousaine où il a grandi avec père, mère, frères et soeurs, ce furent les filles ses plus précieuses alliées parce qu’il leur permettait, après avoir créé une association d’aide après les cours, de s’émanciper en échappant pour quelques heures aux lois non permissives de leurs « grands frères ».
Bien sûr, Magyd Cherfi reçut pour ce fait quelques coups supplémentaires des plus méchants et des plus durs de la cité. On ne s’intéresse pas aux filles arabes lui rappela-t-on, c’est interdit.
En 1981, survint aussi l’élection de François Mitterrand que les immigrés algériens vécurent comme une catastrophe en raison de la fonction ministérielle de l’homme politique en 1956. A son tour, Magyd Cherfi commença à s’intéresser à la politique lorsqu’il fit la connaissance de jeunes rockers qui le prirent dans leur groupe pour chanter.
Cette période décisive de l’adolescence de Magyd Cherfi est, on l’aura compris, un regard perçant sur l’immigration, l’intégration, la violence déjà prégnante des cités mais elle révèle d’abord un mode de vie et une drôlerie résistante à toute épreuve. La vivacité d’esprit aussi éblouissante soit-elle résulte d’une lucidité sans équivoque sur le racisme.
Magyd Cherfi possède tous les codes de cette vie dans la cité sans en faire pour autant un usage manichéen. Toute la force de son message passe par une parole vivante des arabes en France. La restitution de scènes inoubliables, rejouées comme au théâtre, est modérée par un regard analytique qui frise la sidération dès lors que l’on prend conscience du miracle social nommé Magyd Cherfi.
Ma part de gaulois repose entièrement sur cette exception sociale et culturelle que Magyd Cherfi a portée à bout de bras sans comprendre tout à fait comment il y est parvenu. Magyd Cherfi n’est, fort heureusement, pas unique en son genre mais ce retour sur le chemin de ses études montre l’étendue du défi qu’il y avait à relever et à relever encore lorsqu’on est jeune, arabe et français avec bien sûr la difficulté de concilier tout cela.
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