Personne ne disparait de Catherine LACEY aux éditions Actes Sud, 22 euros.
"Vous êtes diplômée de Barnard. Vous étiez employée comme scénariste chez CBS depuis cinq ans. Vous avez épousé Charles Riley, il y a six ans. Vous n'avez jamais eu de problèmes de santé majeurs. Vous n'avez pas de dettes. Vous avez toujours déclaré vos impôts dans les temps. Vous ne suiviez aucun traitement avant de quitter les Etats-Unis. Vous viviez dans l'Upper West Side à Manhattan, dans un appartement appartenant à l'université de Columbia où votre mari a obtenu une chaire il y a un an comme professeur associé au département de Mathématiques. Tout cela est juste ?
Oui, ça m'en a l'air.
Maintenant, vous voyez, Elyria, ce que je viens de décrire, ça ressemble à une vie assez réussie, ce que vous aviez là, alors vous comprenez que d'autres personnes puissent avoir du mal à comprendre que vous décidiez de partir comme vous l'avez fait sans même dire à votre mari où vous alliez. C'est plutôt étrange n'est-ce pas ?
Je l'ai regardé comme s'il était un objet dans un musée qui ne m'intéressait pas particulièrement."
On reconnaîtra là, dans cette pensée succincte qui suit le résumé très factuel de sa vie faite par un psychologue, que notre héroïne peut développer un regard particulier sur les gens.
Elyria, en l’occurrence et à ce moment du récit, est revenue de Nouvelle-Zélande où elle a tenté en vain d'échapper à sa vie ou plutôt à certaines mauvaises vibrations qui polluent ses pensées. Elle peut nommer cela des harmonies mineures ou parler d’un Yack, animal métaphorique qui serait logé dans son cerveau et en perturberait le fonctionnement.
Ce voyage en Nouvelle-Zélande que nous vivons à ses côtés est à la fois très concret, Elyria multiplie les rencontres dues à une pratique assidue de l'auto-stop, et totalement abstrait dès lors que s'insère un flux de conscience où de nombreux points cruciaux de la vie d'Elyria sont débattues. En premier lieu la mort de Ruby, la soeur aîné, modèle de l'enfance d'Elyria, puis le mariage qui suivit cette disparition, inapropriée et cause de ce départ soudain à l'autre bout du monde.
L'effet majeur de ce récit intériorisé d'un voyage mal préparé est que nous sommes en empathie absolue avec Elyria sans pouvoir pour autant l'aider. Son mutisme extérieur dont nous recevons en retour un exubérant désarroi qui demeure néanmoins d'une drôlerie irrésistible, est une expérience de voyage comme on l'a peu raconté et que pourtant chacun d'entre nous a pu ressentir.
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