Etunwan, celui qui regarde de Thierry MURAT aux éditions Futuropolis, 23 euros.
A en croire la bibliographie de l'auteur, on devine aisément la passion de celui-ci pour les États-Unis, pour l'Amérique, la vraie, puisque après son diptyque musical (Woodie Guthrie, Bob Dylan) le voici plongé dans un faux western, Etunwan, odyssée dans le grand ouest américain. C'est dans ce "Territoire" à l'ouest de St Louis que s'enfonce une expédition scientifique en 1867 avec parmi eux un jeune photographe, aussi jeune que l'est son art. Son journal de bord suit la progression du convoi de charriots dans la plaine et relate la première rencontre avec des Peaux-rouges. Le jeune et romantique observateur, lecteur de Baudelaire comme d'Edgar Alan Poe ou encore William Blake, s'éprend littéralement de la culture indienne. Les six mois passés dans les Rocheuses jusqu'aux contreforts des forêts montagneuses lui servent d'initiation absolue, de quête spirituelle qui l'incite, sitôt rentré à Pittsburgh, à vouloir repartir.
Les planches de Thierry Murat sont proprement magnifiques, elles sont mystérieuses et magnétiques, leur approche de la nature sont une ode à la poésie teintée par une profonde mélancolie qui résonne dans les propos des personnages, qu'ils soient indiens ou colons.
Il faut préciser aussi que Etunwan est une leçon d'histoire, la disparition de la culture indienne en est le thème, le massacre systématique des bisons, ressource majeure pour se nourrir anticipe celui à venir des indiens eux-mêmes lorsque l'heure de la ruée vers l'or sera venue.
Nous avions déjà relevé le procès à charge qu'Eric Vuillard avait instruit avec Tristesse de la terre (Actes Sud), cet album nous donne un autre versant de la tragédie indienne en lui inculquant une beauté à maints endroits époustouflante. Mais laissons pour conclure la parole de sagesse d'un chef indien qui s'adressa à ce personnage de papier, Joseph Wallace, photographe de son état :
"Lorsque les hommes blancs sont arrivés depuis l'autre côté de la mer sur leurs bateaux gigantesques, ils nous ont dit que leur monde était devenu trop vieux, trop petit, accablés par les guerres et la misère et parfois même persécutés pour leurs croyances religieuses. Alors nos ancêtres les ont accueillis comme des frères...
Ils leur ont offert un refuge entre le ciel immense et les vastes étendues sauvages de notre Terre-mère. Mais peu à peu, l'homme blanc a changé. De sa place d'invité, il a fait celle du propriétaire. Et nous n'avons rien vu venir."
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