Deux livres « phénomènes » occupent le haut des ventes depuis plusieurs semaines. Deux premiers romans venus bousculer les pronostics. Le premier penche vers le récit certes romanesque mais surtout autobiographique.
Il s’agit du Grand marin écrit de main de maître par Catherine Poulain aux éditions de L’Olivier.
L’autre, plus surprenant, s’intitule En attendant Bojangles, titre extravagant puisé dans le répertoire de Nina Simone, que l’on devine plus axé sur l’imaginaire.
C’est au deuxième nommé que nous consacrerons donc le coup de coeur de la semaine - le rédacteur de ces lignes confessant au passage être plus intéressé par les romans relevant de l’imagination, sans en faire pour autant une règle stricte.
En attendant Bojangles, outre l’originalité débordante que de nombreux médias ont déjà relevé, pose une question plutôt essentielle sur les histoires en général, celles que l’on se raconte ou se laisse raconter.
L’histoire que nous a brillamment écrite Olivier Bourdeaut nous engage à écouter un jeune garçon contant la grande et belle histoire d’amour de ses parents. Celle-ci commença dans le décor rêvé d’une réception très chic où ils dansèrent amoureusement (Nina Simone), un verre de cocktail à la main, rêvant à l’avance du couple légendaire qu’ils allaient former.
Ce récit magnifique et drôle qui procure un grand vertige, une ivresse stylistique, un éblouissement permanent est vu par les yeux de l’enfant qui s’extasie de l’apprentissage démesuré de la vie qu’il reçut de ses parents. Il faut que survienne peu à peu la voix du père pour que l’histoire s’aplanisse et offre une version légèrement différente comme si la voix d’un adulte se devait d’ajuster la voix de l’enfance et lui apporter sa dimension tragique.
Voilà ce que l’auteur nous demande en substance, quelle histoire voulons-nous entendre ? Il y répond partiellement, se l’étant certainement posé lui-même, en donnant une plus grande place au récit du garçon qui, du haut de ses onze ans, comprend l’essentiel de la maladie grandissante de sa mère sans en subir le désastre affectif relaté par le père. Lorsque l’enfant ne voit qu’une poésie ininterrompue inaugurée chaque jour par sa mère, le père constate la perte inexorable de sa femme dans le monde de la folie.
Toute la force d’En attendant Bojangles vient de cette dichotomie, de ces deux voix réunies qui parlent d’une même chose et qui finissent par se confondre. Si le regard et le discours de l’enfant semblent l’emporter, c’est parce que le regard et le discours du père ont été intégré à une émotion sourde que l’on ressent à certains endroits et que la fantaisie s’efforce de relever instantanément.
Ce choix, à la fin dominant qui se résume par le parti d’en rire, est assurément celui de l’auteur et, au vu du succès du livre, c’est un excellent choix.
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