samedi 11 février 2012

Hôtel Adlon de Philipp KERR

 Hôtel Adlon de Philip KERR aux éditions du Masque, 22,50 euros.






 On retrouve avec le même intérêt Bernhard dit Bernie Gunther, cet ancien flic de la république de Weimar qui exerce désormais le difficile métier de détective sous un régime dictatorial, celui des Nazis. L’originalité de la série est qu’on peut lire un épisode sans en connaître les précédents. Ici, Gunther exerce ses talents à l’hôtel Adlon de Berlin, on est en 1934 et la clientèle américaine de ce palace s’intéresse à la préparation des jeux olympiques qui doivent avoir lieu 2 ans plus tard. Un douteux homme d’affaire, Max Reles qui se révèlera être un mafieux, et une jolie journaliste juive, Noreen Charalambides, venue enquêter sur l’application des mesures antisémites en milieu sportif, accaparent vite notre homme.

Ce roman est passionnant à plus d’un titre, par la minutieuse reconstitution de la ville et de son effrayant climat. Comme dans le Berlin Alexanderplatz de Döblin où les pauvres étaient relégués et maltraités, la cité persécute les juifs avant de les engloutir (métaphoriquement dans les fondations du stade olympique) ou de les rejeter (dans un saisissant campement de fortune en forêt). On voit aussi comment Bernie, détective, dur à cuire, sur le modèle américain, s’adapte au totalitarisme que la Gestapo et la SS imposent dans la vie de tous les jours. Certes, comme dans la jungle de béton des villes américaines au temps de la prohibition, il règne une grande violence physique, coups de poing faciles et tabassages réguliers sont également ici le lot quotidien. Les armes de Gunther (qui se proclame républicain et se pense social-démocrate), ce sont un humour ravageur qui s’exerce aux dépens de la brutalité nazie, un cynisme affiché et aussi des qualités professionnelles indéniables qui font de lui un meilleur flic que le plus compétent des policiers nazis. C’est ainsi qu’on peut survivre en milieu hostile.
La première partie du récit se clôt par une espèce d’avantage des ennemis du détective, dans le combat vital qui est le sien. Puis, comme dans plusieurs de ses enquêtes, l’odyssée de Gunther se poursuit, après l’apocalypse guerrière (mise entre parenthèse) à laquelle il a participé, par un épilogue à Cuba, 20 ans plus tard, sous la coproduction gouvernementale qui réunit mafieux américains et le dictateur Batista. L’histoire, là, ne se répète pas, elle bégaie, continuant à engluer la vie et le destin de notre héros.

Bernard Daguerre

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