vendredi 27 septembre 2019

Ici n'est plus ici de Tommy Orange

Ici n'est plus ici de Tommy Orange, traduit de l'anglais (américain) par Stéphane Roques, éditions Albin Michel, 21,90 euros.


Dans ce premier roman, Tommy Orange pose une question simple: que reste t-il des Indiens d'Amérique? Il nous présente, pour y répondre, une galerie de portraits composée de citoyens indiens américains vivant de nos jours à Oakland, aux Etats-Unis. En rencontrant un à un les personnages, le lecteur de Ici n'est plus ici réalise que la question de l'identité indienne contemporaine est non seulement complexe mais aussi impénétrable.
Aussi différente soit leur vie, ils ont tous dans cette histoire un trait d'union : bientôt aura lieu dans leur ville un Pow-Wow, une fête traditionnelle indienne mettant à l'honneur leur Histoire commune, célébrant leurs ancêtres par de la danse et du chant.
Tony Loneman, Dene Oxendene, Opale Victoria Bear Shield, Edwin Black, Bill Davis, Calvin Johnson, Jackie Red Father, autant de noms qui frappent dans un premier temps par leurs sonorités, les faisant entrer dans la légende avant même de savoir de quoi ils sont capables. Des noms composés, trafiqués, distordus car issus d'une lignée qui a eu l'habitude d'être assimilée à des clichés: 

"Nous avons été définis par tous les autres et continuons d'être calomniés malgré les faits amplement vérifiables sur Internet quant à la réalité de notre histoire et l'état actuel de notre peuple. Nous avons la triste silhouette indienne soumise et les têtes jetées à bas des marches d'un temple, nous avons cela dans la tête, Kevin Costner nous sauvant, le six-coups de John Wayne nous abattant, un italien du nom d'Iron Eyes Cody jouant notre rôle dans les films. Nous avons l'Indien de la pub, affligé de voir tant d'ordures répandues, la larme à l’œil (toujours Iron Eyes Cody) ainsi que l'Indien qui lance le lavabo dans Vol au dessus d'un nid de coucou, et qui est le narrateur, la voix du roman." 

L'intensité romanesque s'articule autour de la préparation de ce Pow-Wow, certains y allant pour retrouver leurs racines, d'autres s'y rendant avec leur rage et le sentiment d'être inévitablement en marge d'une société qui ne veut pas d'eux. Ces personnages, dont le passé dense les rend profondément attachants, capables du meilleur comme du pire, montrent à quel point il est impossible de définir l'identité indienne d'aujourd'hui.
Tommy Orange montre à merveille que celle-ci est façonnée et biaisée par le regard de l'homme blanc, dans une société ou la tolérance se fait rare.

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