Il y a dans la vie certaines choses qui arrivent trop tard, des choses que l'on n'attendait plus et qui, lorsqu'elles arrivent, ne sont peut-être plus opportunes. Voilà sur quoi repose la longue et inédite (tardive ?) nouvelle du maître autrichien, auteur de Mademoiselle Else, La ronde, Vienne au crépuscule etc.
Gloire tardive pourrait bien être le prolongement de cette confidence relevée dans le journal de Schnitzler :
"Si seulement j'étais artiste autant que le voudrait ma nature d'artiste,... mon avenir sera : devenir un médecin moyen !".
Cette trajectoire que Schnitzler n'a pas tout a fait empruntée, s'accomplit en revanche pleinement pour Edouard Saxberger qui endosse en l’occurrence la profession vague de fonctionnaire en attente d'une proche retraite.
Saxberger a des habitudes profondément ancrées dans un café viennois où il se délecte de parties de billard (qu'il arbitre seulement) et de quelques ballades qui clôturent ses journées avant qu'il ne regagne son appartement de vieux célibataire.
C'est au retour de l'une d'elles qu'une surprise se produit, un jeune homme se présente à lui et le renvoie en quelques phrases au poète que fut Saxeberger en ses jeunes années lorsqu'il revendiquait un recueil poésie intitulée Les promenades, qu'il pensait, depuis le temps, irréversiblement oublié.
Il constate avec stupéfaction la vénération entretenue autour de sa personne par le jeune homme mais encore, lui dit-il, par un cercle d'admirateurs dont il n'est qu'un représentant.
Il constate avec stupéfaction la vénération entretenue autour de sa personne par le jeune homme mais encore, lui dit-il, par un cercle d'admirateurs dont il n'est qu'un représentant.
Voilà de quoi surprendre plus qu'agréablement notre fonctionnaire qui accepte d'un même élan ces compliments soudains ainsi que l'invitation qui lui est faite de se présenter aux autres membres de cette jeune académie qui a ses habitudes, elle aussi, dans un café.
La modestie du poète est dès lors mise à mal devant la reconnaissance enthousiaste de ces nouveaux amis. Il devient même difficile à Saxberger de donner son opinion sur la production poétique de ces jeunes comparses. Un tourbillon l'emporte, la tentation d'exploiter ce début de notoriété l'égare, Saxberger se sent rajeunir quitte à laisser une part de lucidité.
L'immense plaisir que l'on prend à la lecture de Gloire tardive tient à ce que, tout compte fait, le grand Claudio Magris parvient à résumer admirablement en une phrase :
"Arthur Schnitzler ressuscite tout le charme mozartien de la culture autrichienne... le brio souriant et la mélancolie légère."
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