vendredi 27 novembre 2020

Ce que je ne veux pas savoir - Le coût de la vie de Deborah LEVY



Ce que je ne veux pas savoir  16,50 Euros

Le coût de la vie 16,50 Euros

de Deborah LEVY aux éditions du Sous-sol 


Prix Fémina étranger 2020.


En lisant Deborah Levy, une écriture très libre se développe, une liberté gagnée à l’ombre protectrice de grandes figures l’ayant précédée : Simone de Beauvoir, Virginia Woolf ou encore Julia Kristeva. Mais c’est Marguerite Duras qui revient avec le plus d’insistance comme un modèle absolu qui serait parvenu à élargir le spectre de la condition féminine dans la littérature :


 « L’ego durement gagné de Duras me parle à moi, à moi, à moi, en toute saison. »


Ce que je ne veux pas savoir, premier livre à teneur autobiographique - parce qu’il ne s’agit nullement d’un récit chronologique - est une réponse au Pourquoi j’écris (1946) de George Orwell : 


« Quand Orwell parlait du pur égoïsme comme d’une qualité nécessaire à un écrivain, il ne pensait peut-être pas au pur égoïsme d’une écrivaine. Même la plus arrogante des écrivaines doit mettre les bouchées doubles afin de se constituer un ego assez robuste pour lui permettre de survivre au premier mois de l’année, alors survivre jusqu’au dernier, n’en parlons pas. »


Voilà de quoi donner matière à réfléchir sur la difficulté des femmes à écrire. Déborah Levy, grâce lui soit rendue, ne donne pas  dans l'apitoiement. Pourtant bon nombre d’épreuves sont rencontrées dès son plus jeune âge qu’elle a passé en Afrique du Sud à Durban dans une communauté blanche dont son père se démarquait en prenant position contre l’apartheid. 

Deborah a grandi en l’absence d’un père qui vivait emprisonné pour raison politique. Elle attendit un retour souvent différé. 


« Plus que deux jours ! Papa rentre à la maison ! J’avais désormais neuf ans, et Sam cinq. La dernière fois qu’il avait vu papa, il avait un an. Au petit déjeuner nous avons mangé des tartines grillées de cannelle et de sucre, et nous avons répété tout haut ce que nous allions dire à notre père quand il passerait la porte.

« Bonjour. Est-ce que tu veux que je te montre où est la salle de bain ? »

« Bonjour ! Je t’ai dessinée une fusée. »

« Bonjour ! Je chausse du 35 maintenant. »


Ses souvenirs sud-africains placés à hauteur d’enfant sont écrits depuis Majorque où Deborah Levy à l’instar de George Sand s’est installée dans un hôtel non loin du monastère où « Jorge » Sand et Frédéric Chopin séjournèrent pendant l’hiver de 1838-1839. 


En alternance avec le récit d’enfance s’instaure une réflexion sur les conditions d’écriture, le statut d’écrivaine que Déborah Levy éprouve à l’aune de son âge adulte.

L’exercice est reconduit dans le volume suivant ou plutôt repris dans sa formule anglaise. Après s’être séparée de son mari Deborah Levy entame une vie désargentée et trouve refuge chez une amie qui lui prête son cabanon de jardin où elle se rend pour écrire. Rencontres et souvenirs notamment à propos de sa mère s’entrecroisent avec des propos plus intimes sur son  combat pour mener à bien sa vie.


« Vivre sans amour est une perte de temps. Je vivais dans la République de l’Ecriture et des Enfants. Je n’étais pas Simone de Beauvoir, après tout. Non, j’étais descendue du train à un arrêt différent (mariage) et avais changé de quai (enfants). Elle était ma muse, mais je n’étais certainement pas la sienne.

Quoiqu’il en soit, nous avions toutes les deux achetés (avec notre propre argent) un billet pour le même train. La destination était une vie plus libre. Une destination vague dont personne ne sait à quoi elle ressemble quand on l’atteint. C’est un voyage sans fin, sauf que je l’ignorais à l’époque. J’étais simplement en route. Où pouvais-je aller d’autre ? J’étais jeune et jolie, je suis monté dans ce train, j’ai ouvert mon carnet et commencé à écrire à la première et à la troisième personne. »


Le coût de la vie amorce une existence qui s’écrit comme une dérive existentielle soumise à un propos théorique dont  Deborah Levy serait une démonstration par l’exemple.













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