vendredi 8 février 2019

Trouble de Jeroen Olyslaegers

Trouble de Jeroen Olyslaegers aux éditions Stock collection La cosmopolite, traduit du néerlandais (Belgique) par Françoise Antoine, 22.50euros.

On peut supposer qu'un vieil homme qui écrit à son arrière petit-fils pour lui adresser ses mémoires doit faire attention à ce qu'il couche sur le papier, aussi bien pour ne pas heurter cette jeunesse que pour se préserver de voir ressurgir les fantômes du passé.

Wilfried Wils prend le parti de ne rien oublier, de tout dire. Tout. 

Gendarme à Anvers en 1940 pendant l'occupation allemande, son statut officiel de représentant de l'ordre l'amène à côtoyer aussi bien des résistants que des collaborateurs du régime nazi. Il a alors vingt-deux ans. Son meilleur ami, Lode et lui-même sentent bien ces tensions au sein même de leur brigade, ils sont en effet la cible de rivalités et menaces car soupçonnés de "fréquenter" des juifs.
Parallèlement, Wilfried s'instruit. Grâce à un homme charismatique surnommé "Barbiche teigneuse", il approche l'élite intellectuelle du pays, par la lecture de grands classiques littéraires et philosophiques. Nous atteignons là le cœur de ce qui fait la richesse de ce personnage: ce qu'aime par-dessus tout Wilfried, c'est la poésie. Les vers des poètes français l'accompagnent en permanence et tranchent avec la brutalité des ordres qui lui sont donnés de la part de sa hiérarchie. Cette dualité, cet autre, Wilfried lui donne un prénom: Angelo. Angelo rit lorsqu'il faut pleurer ou avoir peur. Angelo est bestial quand il faudrait a priori être doux et patient. 
Yvette, la sœur de Lode, sait d'emblée apprivoiser tout cet être qu'elle ne quittera jamais. L'arrière-grand-mère de l'expéditeur de ce roman a tout de suite embrassé les multiples facettes qui font la beauté de Wilfried. 

Vous l'aurez deviné, la richesse du personnage va de pair avec une profondeur d'écriture. Oscillant entre présent et souvenirs, on voit petit à petit se dessiner une fresque de générations qui en apparence n'ont pas grand chose à voir les unes avec les autres. Grâce à Jeroen Olyslaegers, un fil se tisse entre toutes, qu'il renforce par une grande sensibilité, un beau travail sur l'oralité et une finesse psychologique. C'est au tour du lecteur de faire le lien entre celui qui écrit aujourd'hui et ce jeune gendarme poète de 1940. Libre à lui, à vous, d'explorer le présent à la lueur de l'Histoire.



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