vendredi 5 octobre 2018

Ma dévotion de Julia KERNINON

Ma dévotion de Julia KERNINON aux éditions Jacqueline Chambon, 20 euros.

Ma dévotion est un livre dans lequel l’art tient une place déterminante sans être centrale, il demeure omniprésent mais tenu à distance, irremplaçable  mais invisible. Ce sont en revanche les sentiments qu’il déclenche qui prédominent. Haine, passion, admiration, égoïsme, mensonge, amour et dévotion s’inscrivent en lettres d’or chez Julia Kerninon. Leur dosage est digne des tragédies classiques.

L’histoire de Ma dévotion, comme toute bonne histoire, se résume en trois lignes. Une femme croise par hasard dans les rues de Londres un homme qu’elle n’a pas revu depuis très longtemps mais avec qui elle a passé toute sa vie. Cet homme est peintre et la femme qui le retrouve a été pour lui successivement une sœur, une muse, une amante, une mère (adoptive de son fils) jusqu’à la tragédie qui surgit à la fin du livre.


Patiemment la toile de Julia Kerninon s’étire et nous confronte à ce que l’art exige, à ce que les artistes infligent sans que l’on sache si l’homme qu’elle nous décrit est un imposteur ou un génie. Le point de vue féminin de l’affaire est variable. Dans quelle mesure cette part féminine a joué un rôle dans l’édification de l’oeuvre de l’artiste. Ces coulisses de la création que dévoile Ma dévotion entretiennent une ambiguïté partagée. Le mécanisme créatif de Julia Kerninon cible un personnage raisonnable, celui qui n’a pas réalisé d’oeuvre (mais qui aurait pu). Que comprendre de celle qui accompagne, aime et comprend le danger qu’il y a à aimer, qui admire et voit les conditions et les sacrifices que réclame un tel degré d’admiration ? Le style de l’auteur est comme une démonstration technique où les sentiments sont mis en jeu. Or un froid raisonnement n’aurait pu se permettre une appréciation si démesurée d’une oeuvre. Les grands artistes jouissent de circonstances et de savoirs supérieurs, ils prennent l’ascendant sur ceux qui les entourent et les soutiennent mais sans qui, bien souvent, ils n'auraient été rien. Cette troublante affaire qui lie Julia Kerninon à ses lecteurs ne semble pas contenir de conclusion définitive. 

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