samedi 22 août 2015

Juste avant l'oubli d'Alice ZENITER

 Recto

 Juste avant l'oubli d'Alice ZENITER aux éditions Flammarion, 19 euros.

Dans la partie du livre (la dernière) destinée aux remerciements, on remarquera l'hommage qui est rendu à la lectrice inconnue qui conseilla à l'auteur de situer son prochain roman sur les « fascinantes » îles Hébrides en Écosse. 

C'est vers là qu'embarque Franck, le narrateur de Juste avant l'oubli qui va rejoindre Émilie, sa femme bien aimée, partie avant lui pour un colloque consacré à l'écrivain Galwin Donnell. L'île en question se nomme  Mirhalay. Il n'y vit plus personne hormis un gardien de phare, Jock, homme lugubre qui transporte Franck, notre amoureux,  dont on sait dès les premières pages et avec jubilation, toute la détestation qu'il porte depuis toujours à son prénom.
Sans le savoir, Franck côtoie lors de sa traversée celui qui va devenir son ami, Jock, ce gardien de phare qui ne reçoit qu'une fois l'an la visite des participants au colloque sur Galwin Donnell.
Combien sont-ils ces fanatiques de l’œuvre d'un auteur aussi célèbre qu'Agatha Christie, qui écrivit dix livres sous l'influence de son maître absolu Conan Doyle, le créateur de Sherlock Holmes ?
Une trentaine semble t-il en comptant Émilie qui va intervenir lors d'une des conférences organisées durant le colloque.
Mais la star incontestée de Juste avant l'oubli demeure l'île de Mirhalay et son étrange histoire qui, en plus d'avoir hébergé Galwin Donnell (disparu mystérieusement), a perdu au cours du vingtième siècle l'ensemble de ses habitants qui l'ont délaissée en raison de son épouvantable climat qui est un agglomérat de tempêtes. L’île, en effet, est  perpétuellement battue par le vent. La mer, quant à elle, est toujours démontée.

Alice Zeniter qui avait séduit le jury du prix Inter (qui l'a couronnée avec Sombre dimanche), montre, dans un style très personnel, une forme d'humour romantique et cruel à la fois. Sa source d'inspiration proche du fantastique resurgit cette fois encore avec une maîtrise confondante.
Chaque thème de Juste avant l'oubli se décline à l'aune de l'absurde mais tenu par un irréprochable esprit de sérieux, précis et captivant.
Si la référence à Samuel Beckett s'impose, Alice Zeniter en a évacué la rigueur voire l'aridité du style. Elle s'ouvre plutôt à une forme lyrique qui, au-devant du paysage de fin des temps de l'île Mirhalay, fait subir à ses personnages les caprices météorologiques de ce coin d’Écosse abreuvé d'eau. Le sourire en coin, Alice Zeniter dénonce le fanatisme et le ridiculise avec cette idée, souveraine, d'un écrivain qui refusa, tel un acteur hollywoodien sur le déclin (Marlon Brando ?), de recevoir quiconque sur son île d'élection, et voulut fuir la célébrité pour vivre reclus jusqu'à sa mort.

Franck, ce personnage ordinaire, témoin mais aussi victime du culte hors norme porté par ses admirateurs à cet impossible écrivain, est la voix subtile de ceux qui subissent les événements, qui sont dépassés par ces derniers et même emportés. Ils portent néanmoins un message poétique et doux, ils offrent la possibilité du détour et de la nuance, ils laissent enfin une très belle part à l'intelligence. 
On remerciera, de ce fait, Alice Zeniter pour ce si bel assemblage d'écrivain.  


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