samedi 26 janvier 2013

Poisons de Dieu, remèdes du Diable de Mia COUTO

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Poisons de Dieu, remèdes du Diable de Mia COUTO aux éditions Métailié, 17 euros.

La simplicité des choses n’est, comme toujours, qu’apparente, surtout, et avant tout, dans les rapports humains. Voilà pourquoi le titre du dernier livre de Mia Couto supporte un énoncé a priori contradictoire et que le roman effeuille et met à nu des sentiments pourtant bien dissimulés.
C’est, en bonne et due forme, un docteur qui, dans une petite ville mozambicaine, rend une visite journalière à son patient préféré. Ensemble, toute frontière, toute distance, semble avoir disparue. Le malade reste calfeutré chez lui et observe le monde depuis sa fenêtre. Il a vieilli avec une femme plus jeune qui est devenue sa gouvernante. Il souffre d’un mal étrange, proche de la Saudade, la mélancolie portugaise.
Le docteur, lui, est de Lisbonne, une ville connue du patient qui vogua de nombreuses années sur un navire de croisière dont il était le mécanicien. Depuis quelques années, le docteur officie sur ce bout de terre ayant appartenu au Portugal avec la suspicion qui sied à la couleur de peau de l’ancien colonisateur.
Les rapports entre le docteur, le malade et sa femme paraissent immuables mais les secrets les plus enfouis ne demandent qu’à être révélés car la maladie ne donne plus le choix et les remèdes ne peuvent contenir plus longtemps les poisons de l’âme. Au fil des visites, chacun soulève un pan de son histoire, jouant ou se jouant de l’autre avec des conciliabules, des confidences et des révélations chaque fois un peu plus suspectes.
Ainsi le docteur lui-même cache son intérêt à se rendre chez le couple qui, en retour, déroule un aspect désastreux de leur vie.
Le passé de chacun tient dans un mille-feuille où s’est nichées des amours inassouvies.
Toute la réussite du roman de Mia Couto ne peut être résumée à cette présentation. Il manque la poésie et l’humour pittoresque de Mia Couto qui, derrière les propos parfois terribles de ses personnages, veille avec douceur, sourire et sensualité. Atteindre cela tient du grand art.
« A dix ans, on nous dit tous qu’on est intelligent mais qu’on manque d’idées personnelles. A vingt ans, ils disent qu’on est très intelligent mais qu’on la ramène pas avec des idées. A trente ans, on pense que plus personne n’a d’idées. A quarante ans, on trouve que les idées des autres nous appartiennent toutes. A cinquante ans, on pense avec suffisamment de sagesse pour ne plus avoir d’idées. A soixante ans, on a encore des idées mais on oublie ce qu’on était en train de penser. A soixante-dix ans, le seul fait de penser nous fait dormir. A quatre-vingt ans, on ne pense que quand on dort. »

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