samedi 21 avril 2012

Derniers retranchements d'Hervé Le Corre par Olivier de Marc

Derniers Retranchements de Hervé Le Corre, Rivages /Noir 8,65€

Tous ceux qui se rendent aux rencontres polars connaissent bien l’écrivain bordelais Hervé Le Corre qui nous fait découvrir sa sélection avec son acolyte Olivier Pene. Son dernier titre paru dans l’excellente collection Rivages noir est un coup de maître. La nouvelle, genre tombé en désuétude en France mais très prisée des anglo-saxons, est ici ressuscitée de manière brillante.

Au travers de ce recueil de nouvelles à la remarquable unité, l’auteur nous présente des personnages dans leurs derniers retranchements. Des gens comme vous et moi, des gens que l’on croise tous les jours sans forcément les regarder ni les voir et qui vont sombrer dans la violence. Poussés à bout parce que vivre est un métier difficile et que la morsure du réel est parfois trop forte. La frontière entre la civilisation et la barbarie est très mince et poreuse : « Quelque chose en lui s’est déchiré et un gouffre s’ouvre au fond de quoi bougent des créatures jusque-là endormies, monstres jusque-là pétrifiés par des années de raison, d’empathie, de questions, d’écoute. Figés dans le roc du savoir et de l’intelligence, pris dans ce granit qui pavait toujours ses bonnes intentions. L’homme écoute ce remuement dans les ténèbres tout en serrant sa bien-aimée dans ses bras ». En décrivant magnifiquement des tranches de vies, Hervé Le Corre saisit le moment ou le granit se craquèle puis laisse passer nos démons enfouis au fond de nous. Au sein de cette belle noirceur, seul l’amour parvient parfois à dessiner de fragiles trouées de lumière. L’homme est un être fragile, rempli de fantômes, un « roseau pensant » disait Pascal. Merci, Monsieur Le Corre de nous le rappeler avec autant de talent.

Cet univers très sombre mais plein d’humanité est aussi éclairci par le style très pur de l’écrivain. On ne peut s’empêcher de penser à Raymond Carver, immense nouvelliste décrivant les laissés pour compte du rêve américain. Musset avait raison : « Les chants désespérés sont les chants les plus beaux. »

Olivier de Marc

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