L'homme semence de Violette Ailhaud aux éditions Parole,
8 euros
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Avant le grand flot de nouveautés de janvier 2019, nous vous proposons de finir cette année 2018 sur un texte plus ancien édité par les éditions Parole en 2006.
Un petit témoignage édifiant écrit en 1919 par Violette Ailhaud qui, constatant que son village est une nouvelle fois vidé de tous ses hommes au crépuscule de la première guerre mondiale, revit encore le traumatisme de se retrouver dépourvue de leur présence:
"J'avais 16 ans en 1851, 35 ans en 1870 et 84 aujourd'hui. A chaque fois la République nous a fauché nos hommes comme on fauche les blés. Mais nos ventres, notre terre à nous les femmes, n'ont plus donné de récolte. A tant faucher les hommes, c'est la semence qui a manqué".
C'est dans les Alpes de Haute-Provence que vivent les femmes décrites par Violette en 1852. Leurs moitiés sont parties, et ce manque laisse place, après les larmes, à une colère grandissante face à cette injustice. Les femmes du village décident alors de prêter serment. Une promesse, un accord tacite qui les lie, et qui consiste à définir leur attitude et leur mission si un homme revient parmi elle. Ces règles visent à les discipliner, elles qui baignent tant dans le regret, l'attente et la rancœur qu'elles pourraient perdre le contrôle si jamais la silhouette d'un être humain de sexe masculin venait à se dessiner à l'horizon. Et surtout, le serment répond à une inquiétude profonde: et s'il n'y avait plus d'hommes du tout?
Le bruit des pas d'un inconnu survient alors qu'elles ne l'attendaient plus. Le moment de mettre en pratique leur accord est arrivé, et c'est à Violette que revient la lourde tâche d'accueillir et recevoir cet individu...
En quelques pages la force des mots à la fois spontanés et chantants de Violette Ailhaud fait de ce texte un beau témoignage sur les femmes restées dans l'ombre à chaque appel et enrôlement dans un conflit.
La richesse de ce récit repose aussi sur l'histoire même de cette parution: en 1925, à la mort de l'auteur, celle-ci laisse une lettre qui ne doit être ouverte qu'en 1952, soit un siècle après les événements. Elle doit être ouverte impérativement par une jeune femme de sa lignée, ayant entre 15 et 30 ans. C'est Yveline qui se trouvera en possession du texte, à 24 ans, en 1952, portant avec elle ainsi l'héritage féminin et féministe instauré par Violette Ailhaud.