Diantre, quel roman ! Combien sont-ils à pouvoir rivaliser de la sorte ?
Certes, Jean-Marie Blas de Roblès s'appuie fermement sur l’œuvre de Jules Verne et l'on a plaisir à recenser les hommages appuyés à Michel Strogoff, Cinq semaines en ballon, L'île mystérieuse, Vingt mille lieues sous les mers.
Dans les airs, sur les mers, par le train, de Moscou à Pékin, de Biarritz à Sydney, les rebondissements se multiplient et une quête irréelle, fantasque et chimérique vous attend.
Des personnages atypiques surgissent quasiment à chaque chapitre, l'auteur jouant sur tous les registres possibles du roman d'aventure. Ce feu d'artifice permanent est contrebalancé (un chapitre sur deux) par une autre histoire située dans les confins du Périgord entre Domme et Sarlat. Elle constitue l'antithèse de cette folle poursuite menée à l'autre bout du monde.
C'est donc en Dordogne que Jean-Marie Blas de Roblès brosse le portrait d'une époque dévolue à la lecture mais désormais confrontée à un présent numérique où les chefs-d’œuvre de la littérature sont compactés, mélangés, inversés.
La fin du papier et l'avènement des liseuses dispensent aujourd'hui les lecteurs d'une libération et d'une prise de conscience envers le monde telles qu'elles furent vécues dans les manufactures de tabac notamment à Cuba où l'on fabriqua les meilleurs cigares en écoutant des lecteurs lire à haute voix les romans de Dumas, Hugo et Balzac.
Cette tradition unique de lecture publique au travail, réelle ou inventée, constitue l'un des plus beaux passages du point de l'île de Nemo.
Jean-Marie Blas de Roblès crée alors une métaphore magnifique à partir des personnages les plus immobiles qui soient, des lecteurs. Ce sont eux qui clôturent l'extravagante histoire de l'île du point Nemo. Arnaud, le dernier producteur de cigares du Périgord, des "Jean Valjean" appréciés à hauteur de ceux que l'on fabrique à Cuba, est parvenu à la perfection grâce à cette tradition des lectures publiques. Sa femme Dulcie en fut l'instigatrice, or celle-ci est en passe de quitter le monde, la voici plongée dans un coma profond, étendue nue dans sa parfaite beauté.
Arnaud s'échine à lui parler encore, persuadé qu'elle entend tous ses discours, toutes ses histoires et croit en la force des livres pour ramener Dulcie à la vie. C'est le dernier défi de sa vie.
Derrière Arnaud se dissimule le statut de l'écrivain qui ne sait ce que son lecteur entendra à son histoire, à son univers où se bousculent tant de personnages et tant d'aventures.
Il est vrai que les références pullulent dans L'île du point Némo, mais Jean-Marie Blas de Roblès au lieu de nous assommer de cet infini littéraire, nous subjugue. Nous lisons à la manière d'un feuilleton ce roman exceptionnel qu'il faut lire par bribes et le laisser pour mieux s'en ressaisir et poursuivre l'épopée haletante aux ramifications extraordinaires.
Notons, pour finir l'insertion, de sublimes respirations que nous offre l'auteur en hommage aux fameuses Nouvelles en trois lignes rédigées il y a plus d'un siècle par Félix Fénéon.
En voici une d'ailleurs qui concerne les arcachonnais :
"Choses qui sentent bon l'air marin.
A Arcachon, avenue des Goélands, le septuagénaire cleptomane ouvrait les voitures avec un couteau à huîtres."
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