Le ciel par-dessus le toit de Nathacha APPANAH aux éditions Gallimard, 14 euros.
« Je me souviens que Paloma disait toujours bonjour mon p’tit loup mais ça c’était avant la forêt-noire mémoire espoir et je dis maman où est la chambre de Paloma et elle dit de qui ? je redemande où est la chambre de Paloma et elle dit qui ? de qui tu parles ? et ma tête tourne je dois aller au centre ou au garage je n’aime pas être en retard et ma mère répète c’est qui Paloma ? et je réponds mais c’est ma sœur et elle se met à rire dans mon oreille comme si c’était la meilleure de l'année et je comprends que je n’ai pas de sœur. Je fais le tour de la maison et il n’y a plus rien à elle pas une photo pas une odeur pas un son rien et je l’appelle fort comme ça très fort Paloma Paloma et je finis par me réveiller dans sa chambre et je ne sais plus ce qui est vrai ce qui est faux ce qui est un rêve ce qui est la réalité si j’ai une sœur douceur chaleur ou pas si de tout ça j’ai rêvé si tout ça je l’ai espéré. Vous comprenez alors j’ai pris la voiture de maman sans rien dire en pleine nuit parce que je n’en pouvait plus de ne pas savoir et je suis venu ici parce que parfois il faut savoir pour pouvoir continuer à vivre. »
On ne saurait dire pourquoi tel(le) auteur(e) vous en rapelle un autre, souvent plus connu et plus vieux ou disparu. Ici, la prose poétique de Natacha Appanah, sa musique, le registre brumeux d’une narration diluée dans la psychologie de ses personnages rappellent - c'est subjectif - l’écho de William Faulkner et l'atmosphère perçue dans ses romans (au choix) : De bruit et de fureur, Tandis que j’agonise ou encore Satoris.
Eliette (devenue Phénix), Paloma et Loup sont les trois fortes présences du roman de Natacha Appanah. L’arrestation de Loup, jeune garçon encore mineur, à bord d’une voiture empruntée à Phénix - sa mère - pour rejoindre Paloma - sa soeur et fille de Phénix (qui ne parle plus avec celle-ci depuis dix ans) font ressortir les troubles familiaux qui ont amené une situation si étrange. L'affaire se termine au tribunal et fait plonger Loup dans les angoisses de l’enfermement carcéral.
L’écriture de Natacha Appanah louvoie entre le certain et l’incertain, promet des pistes qui donneraient un sens rationnel aux évènements avant qu’un processus plus mystérieux nous enseigne une compréhension diffuse des personnages et de leurs blessures : « Loup regardait sa mère avec cette attention perçante qu’il a souvent, comme s’il regardait à l’intérieur de vous, comme s’il voyait votre cerveau travailler, les pensées aller et venir. »
Il en ressort de ce livre court, une tension rarement reproduite dans la prose contemporaine.
Un thème s’inscrit dans Le ciel par-dessus le toit : la beauté qui, lorsqu’elle devient trop apparente, exhibée malgré soi et inconsciente dans le corps de celle qui la transporte, favorise les sources du malheur et de la destinée brisée.
« Elle se déshabille, oripeaux après oripeaux. Elle arrache son masque. Elle frotte sa peau nue pour se débarrasser des mots morts qui l’alourdissent. Elle vomit ce goût âcre dans sa bouche, cette odeur de sueur et de tabac, ses pensées, sa honte, la boule dans son ventre. Elle coupe ses cheveux, elle crache sur son prénom et dans cet endroit aux bords flous, elle donne raison à sa mère : oui, elle est toute neuve à présent. »
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