vendredi 23 février 2018

Pépites en stock: rencontre avec François Garcia le 2 Mars à 17h


Et puisqu'un bonheur n'arrive jamais seul, nous vous invitons à venir rencontrer l'écrivain François Garcia dans le cadre de l'événement Pépites en stock. 

Il viendra nous présenter son dernier ouvrage, Bye Bye, Bird aux éditions Verdier, grand coup de cœur de la rentrée de Janvier. Il nous parlera de littérature en nous parlant de ses propres "pépites"! 

Avant la rencontre qui aura lieu au café Le Petit Louvre à 17h, vous pourrez venir vous faire dédicacer ses livres à la librairie, à partir de 16h.




Le traquet kurde de Jean ROLIN aux éditions POL

Le traquet kurde de Jean ROLIN aux éditions POL, 15 euros.

Un orphelin supplémentaire de Paul Otchakovsky-Laurens (disparu en décembre 2017) se signale par un livre étrange et néanmoins passionnant. Le traquet kurde, l’ignorez-vous aussi, est un bel oiseau rarement visible en nos contrées, comme son nom l’indique.
Le propos tenu par Jean Rolin dans ce livre tient à une observation récente de l’animal, nous dit-il et qu’il n’a pu lui même vérifier, dans le Puy-de-Dôme…  C’est d’ailleurs toute la problématique de l’observation des oiseaux. Qui a vu quoi, quand et où ? 
L’intrigue du Traquet kurde, s’il y en a une, est ténue mais elle ouvre un espace considérable, celui de la traque des oiseaux en France comme ailleurs, aujourd’hui comme il y a un siècle, par des passionnés prêts à tout et, en premier lieu, à voyager en des pays quelquefois dangereux d’où leurs activités assez troubles qui se dissimulent sous leur apparente mission d’ornithologie. Comme Jean Rolin d’ailleurs.
Le milieu des ornithologues, puisqu’on les appelle ainsi, a une histoire ou des histoires que  l’auteur nous rend non seulement passionnantes mais encore instructives sur un sujet qui, au demeurant, nous était, pour beaucoup, parfaitement étranger voire indifférent. 
Jean Rolin qui déroule son récit à partir de sa propre expérience, de son petit savoir, nous est toujours proche même quand il s’affaire à nous présenter les grands défricheurs de leur catégorie que furent  Richard Meinertzhagen (1878-1967), John Philby (1885-1960, Wilfred Thésiger (1910-2003)… 
Puis, laissant dériver ses filets, il rencontre également T.E. Lawrence (1888-1935), Winston Churchill (1874-1965) et d’autres pionniers occidentaux de la partie arabique du globe.
Son but, si tant est, faut-il le rappeler encore, qu’il y en est un, est de gagner le Kurdistan par les voies du passé qui mènent à coup sûr au présent. Du moins est-ce ainsi que Jean Rolin le conçoit. Oui, nous apprenons beaucoup sur cet art peu connu de la reconnaissance des oiseaux qui s’étend, dans Le traquet kurde, de l’île d’Ouessant aux contreforts de la frontière Turco-Syrienne. 


Les rencontres fortuites dans le désert et l’étude de guides publiés il y a cent ans mais qui font encore références servent naturellement de fil conducteur à une narration hors-norme qui demeure cependant d’une maîtrise assurée. On ne sait où l’on va mais avec la certitude de trouver quelque chose au bout. Voilà qui résume dans ses grandes lignes cet exercice littéraire qui se distingue  par l’intelligence dont son auteur use sans que celle-ci soit explicitement montrée. Une devise définissant un sentiment à propos d’un livre qui en procure de multiples. 

Gus 4. Happy Clem de Christophe BLAIN

Gus 4. Happy Clem de Christophe BLAIN aux éditions Dargaud, 16.95 euros.

Le western, vous aimez ? Christophe Blain, lui, adore. En créant Gus, Gus Flynn, Christophe Blain, auteur du célébrissime Quai d'Orsay (qui croquait non sans plaisir la vie sous les ors de la république du sieur Villepin alors ministre des affaires étrangères), rend hommage aux cowboys aventuriers. L'ouverture de ce quatrième épisode est éloquent quant à l'amour des paysages, du bleu du ciel qu'éclairent les montagnes rocheuses plantées d'épicéas d'où surgissent les premiers échanges entre Gus et son complice avant que l'on entende le chuintement du train qu'ils s'apprêtent à attaquer.

Mais Gus n'est pas celui qui va occuper le devant de la scène, il disparaît après son attaque (réussie) au profit de Clem, autre bandit désormais rival de Gus. Son truc, c'est les banques. Débarquer dans une ville perdue de l'ouest et s'attaquer au coffre, bloc de dynamite aidant. Mais l'embourgeoisement de Clem qui mène à San Francisco une deuxième vie, le taraude. Sa femme écrit des romans mais a perdu l'inspiration tandis que sa fille à qui il ment au sujet de ses voyages (et pour cause) est aussi une bombe à retardement.

La vie de bandit menée tambour battant n'exclut pas un questionnement existentiel et de profonds troubles psychiques. L'âge d'or du western est bien révolue, la vie au plein air que Clem aime tant ne correspond plus avec la vie à San Francisco que lui impose sa famille. Quelque chose d'inconciliable lamine Clem qui, en entreprenant de nouveaux assauts chaque fois plus téméraires pour récolter gloire et argent, semble se jeter volontairement dans la gueule du loup. Alors Happy Clem ? Oui quand une héroïne de sa trempe se joint à lui mais l'étau se resserre, Clem est plus que jamais recherché et les risques qu'il prend courent à sa perte.

Arsène Lagriffe Donne la patte Jennifer Gray

 Arsène Lagriffe  Donne la patte  Jennifer Gray aux éditions Pocket 6.60 euros.

 "J'ai bien aimé ce livre car il y a plein de suspens et de mystère !
Arsène est très drôle .

Mes personnages préférés sont les chatons .

J'adore les livres qui parlent de personnages qui ont des descendants connus . 

Les noms des personnages sont amusants ...Zénia Klob, Ginger Spekulos, Arsène Lagriffe et l'inspecteur Cheddar ! 

Ce que je n'ai pas beaucoup aimé, c'est la présence d'humains ; j'aurais préféré ce livre avec juste des animaux .

Je n'ai pas lu les deux premiers ouvrages de la série mais la collection peut se lire dans le désordre.

Ce livre est bien pour ceux qui ont entre 8 et 12 ans .

Je conseille ce livre pour ceux qui aiment rigoler et qui adorent les mystères ..."

Note : 9/10

Anouk Calas




Retour sur la rencontre avec Eric Holder

Une rencontre aux parfums médocains, avec simplicité, poésie et humour, voilà ce que nous a offert l'écrivain Eric Holder samedi dernier.

Nous avons très vite perçu chez l'écrivain un désir d'aller à la rencontre de son public, un souhait d'être à l'écoute de celui-ci et une recherche du plaisir pur d'être là, parmi nous.

Nous le remercions vivement de sa venue, et vous remercions, chers lecteurs, d'avoir contribué à cette belle ambiance.



 Photo: Mr Roudoudou






     








Les uns , les autres : Cécile LADJALI

Les uns , les autres de Nathalie AZOULAI, Patrick BESSON, Arnaud CATHRINE, Emmanuelle DELACOMPTEE; Jean-Michel DELACOMPTEE, Jean-Paul ENTHOVEN, Yves HARTE, Cécile LADJALI, Franck MAUBERT, Céline MINARD, Eric NAULLEAU, Martin PAGE aux éditions Robert LAFFONT 17 euros.

Ce livre dont les bénéfices iront au Secours populaire français est le fruit d’une collaboration entre l’Hôtel Ville d’Hiver, La Librairie Générale et les éditions Robert Laffont. 

Le principe que nous avions initié avec les éditions bordelaises Bijoux de Famille s’est affermi cette année avec la participation des éditions Robert Laffont. Les douze auteurs invités à séjourner en résidence à l’Hôtel Ville d’Hiver ont chacun accepté de rédiger une histoire qui mettrait en scène une personnalité artistique, certes disparue mais dont l’œuvre continue d’inspirer et invite, si besoin était, à ajuster notre culture. 

Chaque semaine, nous vous proposons un morceau choisi des douze nouvelles censé rendre hommage au talent des auteurs qui ont su admirablement répondre au jeu auquel on les conviait.


Cette semaine : Cécile LADJALI

Charles Baudelaire au Père-Lachaise à Paris

  En fait, je crois que je finis par trouver l'extravagant du banc assez sympathique. Je lui demande s'il m'autoriserait à prendre une photographie de lui. Il me déclare qu'il n'aime pas cet art de l'instantané mais qu'en son temps il y céda, même si sur les clichés de Nadar il ressemblait déjà à son propre fantôme... Il prend la pose, glisse sa main droite sous sa blouse pour ressembler à Baudelaire devant l'objectif de Carjat en 1861. J'enclenche l'application sépia afin d'aller jusqu’au bout d'une comédie que je suis sur le point de prendre au sérieux. Il me demande s'il peut voir le cliché sur l'Iphone et récite encore : Un bon portrait m'apparaît toujours comme une biographie dramatisée, ou plutôt comme le drame naturel inhérent à tout homme...
"Sur votre photographie, on devine que mes cheveux sont verts. Vous me rendez là un bien bel hommage. Je vous remercie, demoiselle. Car sachez-le, en leur temps, ils n'ont pas tous été là.
- De quoi parlez-vous ?
- Du 2 septembre 1867. Jour de mes funérailles. On crevait de chaud. Moi dans ma boite et eux sur le chemin qui reliait l'église Saint-Honoré de Passy au cimetière Montparnasse, avenue de l'Ouest.  Asselineau et Banville ont prononcé de beaux discours. Banville prenait sur lui, toujours impeccable, même en temps de canicule, mais Asselineau pestait. Bien sûr, foin de Gautier ! Ni de Sainte-Beuve, lequel était malade. On ne peut pas toujours compter sur ses meilleurs amis dans les cas funèbres. Je suppose que Gautier préférait se souvenir de nos soirées quai d'Anjou et des nymphes aux plafonds peints que nimbaient les volutes de Hashish. Je ne lui en veux plus.
Quant à Sainte-Beuve... 
- Il est tard. Je vais y aller, monsieur"
L'étranger sort une montre à gousset de la poche de sa blouse.
" Une que le charognard du mont-de-piété n'a pas eue. Vous ne restez pas encore un peu ? Vous ne m'offrez pas un texte ?
- J'ai oublié mon carnet.
- Alors c'est à moi de vous écrire quelque chose.
- Où donc ?
- Dans votre main. Donnez-la moi.
- Tenez."
Sa main est glacée. Il écrit dans la mienne : Ô toi que j'eusse aimé, Ô toi qui le savais...


Classé sans suite de Claudio MAGRIS

Classé sans suite de Claudio MAGRIS éditons de l’Arpenteur, 24 euros.

Pénétrer dans le nouveau livre de Claudio Magris est le début d’une visite inédite d’un musée ayant réellement existé ou dont l’ébauche fut suffisamment accomplie pour que l’on ait recensé l’incendie qui le ravagea et mit de ce fait un point final à sa conception.
Ce musée orienté sur tout ce qui a un rapport avec la guerre fut imaginé par un homme dont Magris se fait en sorte le porte-voix en commentant les différentes salles, imaginaires ou pas, constituant le dit musée. Un tank, un casque à pointe, une épée ou un sabre de samouraï, une DCA, bref, l’arsenal à jamais complet de tout ce qui a été conçu pour la destruction et ceci pour en montrer l’étendue, la dénoncer et, dans un but utopique évident, amener à mieux considérer la paix.
C’est à Trieste que ce musée a été imaginé et perpétué après la mort de son créateur (dans l'incendie du musée) par une secrétaire dévouée dont l’itinéraire tourmenté nous est conté en alternance par Claudio Magris.
On peut tout a fait prendre au hasard un chapitre de Classé sans suite et tomber dans le flux de prose de l’auteur où tantôt l’on reconnaît la quête des origines de Luisa, la secrétaire du musée, tantôt le passé de la ville de Trieste et surtout celui de la deuxième guerre mondiale qui lui valut la réputation à peu près ignorée de tous, d’être le seul lieu occidental nanti d’un camp d’extermination nommé la Rizerie. C’est là que se trouve le nœud du livre justement titré Classé sans suite car tout a été fait pour oublier cette réalité triestine et Magris opère un indéniable réajustement de l’Histoire en travaillant au plus près sur ce moment où sa ville fut le théâtre d’exactions non retenues après la fin de la deuxième guerre mondiale de la libération de laquelle il fait l'incroyable récit.
La richesse du propos peut effrayer par endroits ou lasser mais ce serait sans compter sur la puissance narrative de l’auteur, son érudition sans fin, sa perception aiguë du politique ainsi qu’une finesse émotionnelle qui touche l’intimité et les profondeurs psychologiques que la vie de tout un chacun procure.

En conclusion, Classé sans suite est un livre signé par l’un des écrivains majeurs de notre époque que certains auront découvert avec Danube ou Enquête sur un sabre et qui persiste avec ce livre-ci, inoubliable et monumental.

Merdre de Daniel Casanave et Rodolphe, éditions Casterman


Cornegidouille!Vous avez sûrement entendu parler d'Ubu, personnage fantasque, grossier et intrigant de la pièce de théâtre Ubu roi, dont la première représentation sur scène a lieu en 1888. Peut-être connaissez-vous l'adjectif "ubuesque" qui fait partie aujourd'hui de notre langage courant.
Même si Alfred Jarry n'est pas un auteur systématiquement étudié ni au lycée ni en fac, il n'en reste pas moins un acteur incontournable de la période fin de siècle en France.

A la première représentation d'Ubu étaient présents dans la salle de grands noms tels Edmond Rostand, Courteline, Léon Blum, Jules Renard, Catulle Mendès. La pièce d'Alfred Jarry dérange, bouscule. Soit on adore, soit on crie au scandale. Qu'est ce qui est scandaleux? Le langage n'a plus de sens, la grossièreté des personnages. Et ce "Merdre", quel idée!



 Alfred Jarry lui-même est un personnage de théâtre. Il parle de lui à la troisième personne, s'esclaffe avec des expressions que peut lui envier le capitaine Haddock. Aux côtés de ses deux amis les plus proches, Rachilde et Alfred Vallette, sa vie est une plongée vertigineuse dans les excès et la création littéraire et théâtrale.
L'intérêt d'une bande dessinée sur sa vie, est de le rendre plus proche, plus humain. Et surtout d'enlever ce masque provocateur. Le dessin en noir et blanc donne la part belle à l'épaisseur du trait, à la noirceur des périodes difficiles de sa vie, aux soirées où la discussion et les idées sont noyées par l’absinthe. Le travail de dessin de Rodolphe se libère des frontières de la BD: il met en scène trois personnages fascinés par Alfred Jarry, qui eux-mêmes content sa vie au lecteur, en s'exclamant "à la Jarry", en introduisant les rencontres majeures d'Alfred avec humour et légèreté.


Merdre est une lecture active, drôle et mélancolique. Elle remplit tout à fait sa fonction première: nous donner l'envie irrépressible de (re)lire Ubu roi et l'ensemble de ses ouvrages, tant l'homme et son œuvre sont liés.



Michel et Edouard, Myriam Picard et Jérôme Peyrat, éditions Père Fouettard.


 Michel et Edouard sont deux moineaux qui ont "la belle vie": ils mangent tout ce qui leur fait envie, n'ont jamais froid, regardent la télé, ne sont jamais fatigués. Leur secret? Ils vivent dans un...supermarché! Quelle drôle d'idée!


 

Alors quand un oiseau qui vit dehors atterrit dans leur vie, voilà ce que ça donne:

-Même plus besoin de déménager pour aller au soleil, ici on a chaud tout l'année!
-Ca veut dire que vous ne voyez jamais la couleur du ciel?
-Beuh non, pour quoi faire?
-Pour respirer pardi! Moi j'ai besoin de grands espaces.
-Nous, on préfère les grandes surfaces.



 Michel et Edouard passent leur vie à la mode des humains: ils profitent de tous les avantages de la société de consommation sans réaliser tous les risques qu'ils encourent. Dodus jusqu'au bec, ils se moquent instantanément de cet oiseau exotique qui vient les provoquer sur leur terrain.
L'air pur, le vent, le ciel bleu, l'effort de créer son nid, la préoccupation de se chercher à manger. Toutes ces épreuves du quotidien sont bien loin de la vie de Michel et Edouard, mais au cœur du bonheur de celle de José, l'oiseau rabat-joie. Michel et Edouard vont-ils sortir de leur zone de confort pour se confronter au monde réel? Vous le saurez en lisant ce joli album qui donne bonne matière à réfléchir avec nos tout petits.




Les uns , les autres : Yves HARTE

Les uns , les autres de Nathalie AZOULAI, Patrick BESSON, Arnaud CATHRINE, Emmanuelle DELACOMPTEE; Jean-Michel DELACOMPTEE, Jean-Paul ENTHOVEN, Yves HARTE, Cécile LADJALI, Franck MAUBERT, Céline MINARD, Eric NAULLEAU, Martin PAGE aux éditions Robert LAFFONT 17 euros.

Ce livre dont les bénéfices iront au Secours populaire français est le fruit d’une collaboration entre l’Hôtel Ville d’Hiver, La Librairie Générale et les éditions Robert Laffont. 

Le principe que nous avions initié avec les éditions bordelaises Bijoux de Famille s’est affermi cette année avec la participation des éditions Robert Laffont. Les douze auteurs invités à séjourner en résidence à l’Hôtel Ville d’Hiver ont chacun accepté de rédiger une histoire qui mettrait en scène une personnalité artistique, certes disparue mais dont l’œuvre continue d’inspirer et invite, si besoin était, à ajuster notre culture. 

Chaque semaine, nous vous proposons un morceau choisi des douze nouvelles censé rendre hommage au talent des auteurs qui ont su admirablement répondre au jeu auquel on les conviait.


Cette semaine : Yves HARTE

Carlos Gardel à Bordeaux


Carlos avisa un porteur, lui confia sa valise et se fit conduire vers un taxi.
"Où allons-nous ?"
Carlos hésita.
"Posez le bagage à l'hôtel Splendid. Ensuite on verra. Je voudrais voir le port.
Le chauffeur jeta un œil dans son rétroviseur. La figure de cet homme ne lui était pas inconnue. Un acteur peut-être. Mais son accent... espagnol ou brésilien. Riche à n'en pas douter. Le port ? Il n'y avait pas de port ici, mais des quais, tant le fleuve régnait dans la ville, sur des kilomètres. Le taxi longeait les grilles derrière lesquelles les grues balançaient leur cou de girafe. Il s'arrêta quelques minutes devant la façade blanche du Splendid, sur les allées d'Orléans. Un groom s'empressa, et le concierge, pétri de sa fonction, fit le nécessaire, en échange d'un billet. Carlos remonta dans la voiture.
"Et maintenant ?
- Conduisez doucement. Jusqu'au bout du port. Et attendez-moi.
Le taxi s'arrêta devant le pont tournant qui permettait aux bateaux d'accéder aux bassins à flot et au radoub où on repeignait leur coque. Carlos descendit. Il respira l'air des quais, chercha des yeux un endroit pour s'asseoir. Un bar avait posé deux chaises et une table sur des pavés disjoints. Des dockers espagnols en espadrilles, les cheveux poudrés de farine qu'ils venaient de décharger d'un vraquier, entraient dans le café. Le taxi regardait cet homme en costume, le chapeau incliné sur l'oreille. Il ne faudrait pas qu'il lui arrive un mauvais coup. Etrangement il devinait que ce client était à son affaire. Il devait connaître les ports et les docks.
Carlos commanda un café au patron, chemise ouverte sur un tricot de peau, mâchouillant un mégot, une serviette sur l'épaule. Il regardait les derniers bateaux qui se vidaient, et les grues qui fouillaient leur ventre, déposant dans un lent mouvement leurs fardeaux sur les quais, une montagne de sacs que les dockers chargeaient ensuite sur le dos. Le soleil se couchait sur l'estuaire, traçant un long trait rouge sur l'eau. On entendait des jurons dans toutes les langues. Peu à peu des enseignes s'allumaient, clignotant un instant, comme un appel à la nuit.
Des marins par deux venaient à la découverte de la ville. Des filles sortaient sur le pas des portes, une main sur la hanche, murmurant une invitation dans la langue universelle des amours tarifées. Peu à peu les immeubles se bordaient de mauve dans le jour qui baissait.
Il était donc parti d'ici.

vendredi 9 février 2018

Lolito, Ben Brooks, La Belle Colère, 19 euros


Si vous ne connaissez pas encore La belle Colère, cette maison d'édition qui a pour vocation de libérer la parole des adolescents à travers des textes poétiques et engagés, alors c'est le moment de vous plonger dans cette tranche de vie: Etgar Allison a quinze ans, des parents adorables, un meilleur ami fidèle et prêt à tout, et surtout, Etgar a Alice. Alice est sa petite copine, ils partagent leur joies et peines d'adolescent. C'est elle qui lui demande de lui appliquer du "stop acné" sur le visage, c'est elle aussi qui pleurera dans ses bras lors de la mort de son père.

Les vacances d'Avril approchent lorsque le roman débute: Alice va partir à Antigua, et Etgar se demande comment il va occuper ses journées sans elle. D'autant plus que ses propres parents partent en Russie pendant deux semaines.

Ces deux semaines qui s'annonçaient ennuyeuses (surf sur internet, balades pour sortir le chien, quelques fêtes pour montrer qu'il existe) basculent dans un véritable enfer: Etgar apprend qu'Alice l'a trompé, découvre sa grand-mère inanimée, et sombre dans un tunnel dont les parois sont poreuses et dans lequel le réel et l'irréel cohabitent volontiers. Pour se venger et se noyer, il boit les grands crus de son père, expérimente sur le net une rencontre interdite, et ne se doute pas que cela peut le mener... aux frontières de la mort.
Au bout de ces deux semaines, Etgar sera allé au bout de lui-même, aura testé et franchi toutes les limites du raisonnable. Pour autant, ce roman ne se résume pas à de la violence, du sexe et de l'alcool.


Il est bien plus que ça. La plume de Ben Brooks nous montre que, derrière les difficultés qu' Etgar traverse en ces vacances de Pâques, se diffusent des sentiments tout à fait ordinaires: la peur de ne pas être aimé, le besoin d'appartenir à un groupe et de le rejeter ensuite, le besoin de se tester pour murir et prendre sa place parmi les hommes. C'est dans un fouillis monstrueux qu'Etgar, du haut de ses quinze ans, découvre la richesse du contact humain – le vrai, face à face -, du dialogue et de l'échange. Si bien que l'on referme ce petit bijou avec un sentiment d'avoir vécu un peu de la vie d'Etgar, un peu de celle de l'auteur, et surtout, un peu de la nôtre.



 Ben Brooks

L'homme gribouillé de Serge LEHMAN et Frederik PEETERS

L'homme gribouillé de Serge LEHMAN et Frederik PEETERS aux éditions Delcourt, 30 euros.

Redoutable association de Serge Lehman et Frederik Peeters qui nous embarque dans une histoire haletante et le terme est faible. Imaginons, mais les auteurs s'en sont chargés pour nous, un rendez-vous manqué aux conséquences désastreuses...

La famille Couvreur, curieusement, n'a engendrée que des filles depuis au moins trois générations. Une grand-mère, une mère et une fille vivent de nos jours à Paris. C'est la grand-mère, Maud, qui manque, et pour cause - son grand âge s'est rappelé soudainement à elle en lui faisant subir inopportunément un AVC - le rendez-vous crucial avec un curieux homme, Max. Nanti d'un masque cachant son long bec d'oiseau, il s'est introduit jusque dans l'appartement de Maud pour lui réclamer son paquet, un paquet que Maud doit lui remettre absolument au jour convenu dit-il à Clara, petite fille de Maud, qui découvre le corps inanimé de sa grand-mère et les menaces de cet homme oiseau.
Les chausse-trappes ne vont plus finir après que Betty, la mère, réalise que Max est prêt à tout au sujet de son paquet.
  
A partir d'un dessin, propre aux ambiances policières, c'est un univers fantastique qui se déploie dans les grandes largeurs où le récit intense et dramatique à souhait surprend quasiment à chaque page.

Le mot d'ANOUK Elisabeth princesse à Versailles 9.Une lettre mystérieuse


La parole est à ANOUK CALAS (11 ans CM2), jeune cliente (très) fidèle à qui nous avons proposé de nous écrire ses coups de cœur...

 

Elisabeth princesse à Versailles  9. Une lettre mystérieuse d'Annie JAY, illustrations d'Ariane.DEBRIEU aux éditions Albin Michel, 6,90 euros.

J'adore cette collection de livres, il y a beaucoup de mystères et on apprend énormément de choses... 

L'héroïne  a réellement existé!!!  Madame de Marsan est horriblement méchante et c'est très drôle de voir Elisabeth lui tenir tête...Dans cette épisode, une jeune fille du nom d'Arabelle est d'une tristesse infinie. Pourquoi se cache t-elle ? Quel est son secret? Elisabeth compte bien percer ce secret, surtout quand elle découvre un indice bien énigmatique...

Je conseille ce livre pour tous ceux qui aiment les romans historiques et les intrigues. C'est à la fois un livre drôle,historique et mystérieux.

Les uns , les autres : Jean-Paul ENTHOVEN

Les uns , les autres de Nathalie AZOULAI, Patrick BESSON, Arnaud CATHRINE, Emmanuelle DELACOMPTEE; Jean-Michel DELACOMPTEE, Jean-Paul ENTHOVEN, Yves HARTE, Cécile LADJALI, Franck MAUBERT, Céline MINARD, Eric NAULLEAU, Martin PAGE aux éditions Robert LAFFONT 17 euros.

Ce livre dont les bénéfices iront au Secours populaire français est le fruit d’une collaboration entre l’Hôtel Ville d’Hiver, La Librairie Générale et les éditions Robert Laffont. 

Le principe que nous avions initié avec les éditions bordelaises Bijoux de Famille s’est affermi cette année avec la participation des éditions Robert Laffont. Les douze auteurs invités à séjourner en résidence à l’Hôtel Ville d’Hiver ont chacun accepté de rédiger une histoire qui mettrait en scène une personnalité artistique, certes disparue mais dont l’œuvre continue d’inspirer et invite, si besoin était, à ajuster notre culture. 

Chaque semaine, nous vous proposons un morceau choisi des douze nouvelles censé rendre hommage au talent des auteurs qui ont su admirablement répondre au jeu auquel on les conviait.


Cette semaine : Jean-Paul ENTHOVEN

Aragon à Paris

« Monsieur, monsieur, dis-je enfin, il pleut, vous devriez mettre votre chapeau… »
Je n’avais pas trouvé mieux. Ni plus sonore. Ni plus mémorable. Aragon avait levé sur moi son regard métallique. Il m’avait observé, jaugé, évalué. Et dix mots - inoubliables puisqu’ils étaient aragoniens - sortirent enfin de sa bouche :
« Tu devrais savoir, petit, que mon chapeau craint la pluie… »
Puis, me trouvant peut-être à son goût, il ajouta :
« J’habite rue de Varenne… Viens donc chez moi, ça te fera un souvenir… »

Cette invitation, je l’avoue, me jeta dans un trouble inédit :
Devais-je le suivre ? Accepter le double jeu ? Choisir la posture de l’innocent qui fait semblant de n’avoir pas compris ? Profiter de l’aubaine pour poser au génial créateur d’Aurélien Leurtillois deux ou trois questions littéraires de la plus haute importance ?
L’occasion était trop belle, cette dernière stratégie s’imposa.
Je tenais, en effet, à avoir le fin mot d’au moins dix légendes :
   1. Louis Aragon avait-il vraiment adoré son Elsa ? Ou, alors, cet amour n’était-il qu’un paravent - un paravent Potemkine - dont chaque élément avait été mis en scène par le KGB, lequel tenait ainsi, par les mœurs, un Aragon toujours utile en cas de futur coup de Prague ou autre invasion de la Hongrie ou de l’Afghanistan ?
   2. Louis Aragon avait-il vraiment couché avec Pierre Drieu la Rochelle, une nuit de 1926, sur la plage d’Anglet ?  C’était là une hypothèse certifiée par Emmanuel Berl - qui me l’avait vendue comme une vérité incontestable lors d’un charmant déjeuner au Véfour. Mais, tout le monde le sait : Berl le voltairien disait souvent n’importe quoi…
   3. Pourquoi Louis Aragon, qui avait plus de talent que Balzac et Musset réunis, s’était-il cru obligé de consacrer des années de sa vie d’écrivain à la saga pathétiquement réaliste-socialiste des Communistes ?
   4. Nancy Cunard était-elle une nymphomane ? Préférait-elle, comme Ezra Pound l’a affirmé, les « léchages et la sodomie » ? Avait-il été séduit par son intelligence, sa sensualité ou sa fortune ? Quel rôle jouèrent, dans leurs jeux érotiques, les nombreux bracelets qu’elle portait à ses bras ?
   5. Pourquoi, au juste, avait-il fait sembler de se suicider, à Venise, dans une chambre de l’hôtel Luna ?
   6. Avait-il éprouvé de la vraie sympathie pour Maïakovski ? Pour René Crevel ? Pour Maurice Thorez ?
   7. Avait-il jamais cru, sincèrement, que le communisme était la voie royale vers un avenir radieux ?
   8. Avait-il des informations spéciales sur l’hypothèse selon laquelle Elsa Triolet aurait été le commanditaire de l’assassinat de l’éditeur Denoël ?
   9. Sa complicité avec Edmonde Charles-Roux et François Nourissier étai-elle aussi vive que ceux-ci le prétendaient ?
   10. Combien de temps lui fallait-il pour composer un poème parfait ? Un an ? Une minute ? Une nuit ? Une seconde ?

Etc.

vendredi 2 février 2018

Eric HOLDER le 17 février 2018

 

Profitons du passage de l'auteur à La Grande Librairie ce jeudi pour annoncer d'ores et déjà qu'Eric HOLDER sera présent à La Librairie Générale samedi 17 février pour une rencontre et une séance de dédicace. 

 

Nous confirmerons le lieu et l'heure de sa venue la semaine prochaine. Vous pouvez en revanche noter le samedi 17 février sur vos agendas que l'homme que voici :

 

 

sera bien là !

Tiens ferme ta couronne de Yanick HAENEL

Tiens ferme ta couronne de Yanick HAENEL aux éditions Gallimard, 20 euros.

De nos jours à Paris, un homme détient un scénario écrit de sa main qu’il se promet de présenter à un cinéaste américain. Pour cela il bénéficie du soutien d’un producteur français qui lui communique le numéro de téléphone de celui qu’il pense être le seul  à pouvoir réaliser le film grandiose que l’homme prétend avoir écrit. 

Cette trame prend une tournure très réelle à l’évocation de Michael Cimino dans le rôle du réalisateur convoité (et même rencontré) par ce scénariste ressemblant lui-même de très près à Yannick Haenel. Plus tard, Isabelle Huppert apparaît dans un restaurant et s’assoit à la table de notre écrivain. Ces effets renforcent ainsi une part artistique qui se tend vers les extrêmes et dont le personnage Haenel est habité. Son inspiration et, de ce fait, son travail situent celui-ci  très en marge de notre société. Est-ce un état psychologique somme toute épisodique ou faut-il voir la condition de l’artiste aujourd’hui ? Haenel ne s’y attarde pas, plus important pour lui est la description hallucinée d’une dérive financière et matérielle ainsi que la retranscription des rencontres qu’elle engendre. 

Tiens ferme ta couronne est aussi la croyance en des convictions, aussi fragiles soient-elles, qu'il s’agit de ne jamais abandonner.  Mais, être submergé de dettes et jouer avec sa vie afin de mener à bien un projet (qui se déplace au fil du livre) d’une certaine façon ouvre un abime qui bien sûr illumine l'artiste et sert à l’intrigue du roman en tenant son lecteur en haleine sauf que la résurrection espérée ne procure que peu d'empathie tant les événements semblent vouer le personnage vers une issue fatale. 

 Tiens ferme ta couronne demeure cependant un livre qui, au delà des risques pris par son auteur, touche à des questions existentielles qui auront séduit les membres du Jury Médicis lui accordant son prix 2017.

Mon traître de Pierre Alary

Mon traître, Pierre Alary, éditions Rue de Sèvres. Bande dessinée adaptée du roman de Sorj Chalandon.


Si déjà les mots de Sorj Chalandon nous avaient marqués par leur puissance et leur justesse, la bande dessinée de Pierre Alary nous prend aux tripes. 

Antoine, luthier parisien, a toujours été fasciné par l'Irlande. Aussi lors de son passage à Belfast à Pâques en 1977, il rencontre Tyrone Meehan, combattant membre de L'IRA. Entre eux naît une amitié profonde sur fond de conflit irlandais. Une relation quasi paternelle entre le vétéran irlandais et le trentenaire français. Antoine, après cette rencontre, ne vivra plus jamais comme avant:

"En cet Avril 1977, j'étais différent. J'étais quelqu'un en plus. J'avais un autre monde, une autre vie, d'autres espoirs. J'avais un goût de briques, un goût de guerre, un goût de tristesse et de colère aussi."

Ce goût de brique, Pierre Alary le sublime par un dessin intense, avec des planches aux couleurs de fonds ocre, rougeâtre, parfois rouge. Les gros plans sur les regards de Tyrone et Antoine nous montrent que le texte de Chalandon est avant tout une histoire d'hommes, une relation si forte que la trahison n'en est que plus douloureuse: en 2006, Antoine découvre en effet que Tyrone a trahi l'IRA. A t-il pour autant trahi leur amitié?
Mon traître de Sorj Chalandon, c'est un roman autobiographique qui prend pour cible la fraternité des hommes prise en étau par l'Histoire.
Mon traître adapté par Eric Alary, c'est une interprétation brillante, un rendu extrêmement juste de la puissance des sentiments dans ce même contexte. Une puissance qui n'est justement pas dite telle quelle mais qui est évoquée par ces silences, ces yeux qui se ferment et cette stupeur que l'on peut lire dans le personnage graphique d'Antoine.
Une magnifique adaptation!






La parole est à ANOUK, une cliente fidèle...



La parole est à ANOUK, une cliente fidèle à qui nous avons proposé de nous écrire son coup de cœur du moment. Elle reviendra quand elle le voudra...




Viser la lune d'Anne fleur MULTON, illustratrice DIGLEE aux éditions Poulpe Fictions, 9,95 euros.

Je recommande ce livre à ceux qui aiment les histoires d'amitié.

Pour ceux qui ont entre 9 et 11 ans, ce livre convient bien. 

J'ai beaucoup aimé ce livre car j'aime les histoires un peu loufoques... Mon personnage préféré est Itaï, elle habite en Nouvelle-Calédonie. Elle est très mystérieuse avec ses vernis noirs et ses fards à paupières sombres. Ses longs cheveux noirs sont magnifiques.J'aime bien aussi Azza, elle est très sportive et vit à cent à l'heure. Ses cheveux lui vont bien. L'héroïne est une adolescente qui vit en quelque sorte sur la lune. Sa mère travaille dans les fusées et l'héroïne habite en Guyane, la base française des lancements des fusées. Ce qui est original dans ce livre est que le personnage principal n'est pas vraiment comme les héroïnes des autres livres, elle aime l'espace et veut devenir astronaute, alors que dans les autres livres, elles sont des collégiennes normales qui aiment les vernis à ongles, se maquillent et voudraient devenir actrices...

La parole est à STELLA, une cliente fidèle...



La parole est à STELLA, une cliente fidèle à qui nous avons proposé de nous écrire son coup de cœur du moment. Elle reviendra quand elle le voudra...




Les 5 lettres du mot cœur de Cathy CASSIDY aux éditions Nathan, 15,95 euros.

Un jour Carrie, Onisha, Eden, Uma et Ryan, les meilleurs amis de l'univers, découvrent que leurs initiales forment le mot cœur. Mais un soir tout change. Le club du coeur est brisé et leur amitié aussi mais est-il trop tard pour le reformer deux ans après ?

Cathy Cassidy est mon auteur préférée. C'est elle qui a écrit : Rouge bonbon, Rose givrée, la série Les filles au chocolat, Miss pain d'épice aux délices des anges etc.

Elle a commencé très jeune à écrire des histoires. Cathy a exercé beaucoup de métiers mais celui d'écrivain est de loin son préféré car c'est le seul qui lui donne une bonne excuse pour rêver et, sous sa plume, ce livre devient magique.


Les uns , les autres : Jean-Michel DELACOMPTEE


Les uns , les autres de Nathalie AZOULAI, Patrick BESSON, Arnaud CATHRINE, Emmanuelle DELACOMPTEE; Jean-Michel DELACOMPTEE, Jean-Paul ENTHOVEN, Yves HARTE, Cécile LADJALI, Franck MAUBERT, Céline MINARD, Eric NAULLEAU, Martin PAGE aux éditions Robert LAFFONT 17 euros.

Ce livre dont les bénéfices iront au Secours populaire français est le fruit d’une collaboration entre l’Hôtel Ville d’Hiver, La Librairie Générale et les éditions Robert Laffont. 

Le principe que nous avions initié avec les éditions bordelaises Bijoux de Famille s’est affermi cette année avec la participation des éditions Robert Laffont. Les douze auteurs invités à séjourner en résidence à l’Hôtel Ville d’Hiver ont chacun accepté de rédiger une histoire qui mettrait en scène une personnalité artistique, certes disparue mais dont l’œuvre continue d’inspirer et invite, si besoin était, à ajuster notre culture. 

Chaque semaine, nous vous proposons un morceau choisi des douze nouvelles censé rendre hommage au talent des auteurs qui ont su admirablement répondre au jeu auquel on les conviait.


Cette semaine : Jean-Michel Delacomptée

Détective privé Marlowe (héros de Chandler) à Omaha Beach

Le lendemain il ne s’est rien passé. Le surlendemain, Randal, un brigadier de la commune, s’est arrêté devant la maison. On s’est installé dans la cuisine. Le jour se levait à peine, il était à peu près huit heures. J’étais encore en robe de chambre. Des promeneurs avaient découvert le corps de la femme au nord du Cotentin.
« Ces foutus courants vous emportent avant qu’on ait achevé sa toilette. »
Il avait des expressions biscornues.
« Ou de boire un verre », ai-je dit.
Je lui ai versé du calva, moi du whisky. A peine noyée, la femme avait dérivé de l’autre côté, là-bas après la nasse. « Une drôle d’excursion ! » Randal m’a approuvé. C’était un grand gars tout sec.
Il a bu direct son calva et claqué la langue. Puis il a dit :
« En voilier on mettrait bien cinq heures pour faire le voyage. Et le double par gros temps. »
Refuser un verre aurait constitué à ses yeux une faute professionnelle. Il disait que ce qui lui coulait dans les veines, c’était de l’alcool, qu’il ne s’en portait pas plus mal, qu’il servait la France à sa façon, quitte à finir avec une cirrhose. C’était un militaire à l’ancienne, quand le champ d’honneur bordait les champs de blé.
La femme s’était échouée sur le goémon d’une crique, poignardée au flanc gauche. Une beauté. Une splendeur, même. Jeune, moins de la trentaine. Et riche, vu ses vêtements. Une vraie lady. Mais elle ne portait aucun bijou.
« Une agression pour la dépouiller », a fait Randal.
J ‘ai dit que oui, ça devait être ça.  Puis :
« On l’a identifiée grâce à ses papiers je présume? »
Pas grâce à ses papiers, non. Elle ne les avait pas sur elle. Chris Laveri, le promoteur de la résidence hôtelière « Le clos des flots », avait signalé la disparition de son épouse tôt le lendemain - hier donc. L’enquête avait opéré le rapprochement, bien entendu. Laveri, un magnat du bâtiment. Des associations contestaient son projet d’un nouveau complexe hôtelier à bâtir sur un terrain paraît-il inondable. Randal ne pouvait pas me renseigner davantage. Ou ne voulait pas. A ce moment-là, probablement ne savait-il rien de plus. Laveri jouissait d’une réputation de pourri, à cause de ce projet d’un nouveau complexe, entre autres. Un ensemble de luxe destiné aux américains qui venaient se recueillir sur les plages du Débarquement. Les plus fortunés naturellement. Compte tenu de l’état du terrain ajouté à la loi littoral, les obstacles s’entassaient, et pourtant le projet roulait à fond de train. J’ai aussitôt pensé que Laveri avait acheté le maire.
« Pour trouver le coupable, a repris Randal, il faudra remuer le foin ».
En d’autres termes, autant chercher une aiguille dedans. La femme de Laveri, ça signifiait un paquet d’ennemis. Il faudrait questionner les relations, remonter le cours de sa vie, bref fouiller les poubelle.
Et moi, je n’avais rien vu ? J’ai secoué la tête. J’étais devenu extrêmement rétif aux faits divers.
« Vu quoi ? On l’a retrouvé dans le Cotentin.
- Sauf une de ses chaussures, en bas de chez vous sur la plage.