Par les routes de Sylvain PRUDHOMME

Par les routes de Sylvain PRUDHOMME (Prix Fémina 2019) aux éditions L'Arbalète Gallimard, 19 euros.


Indéniablement Sylvain Prudhomme possède un talent narratif qui justifie son attribution d’un des prix littéraires les plus convoités de la rentrée. Sous des abords simples - naturalistes* aurait-on dit à une autre époque - une clarté de la langue prédomine sur un propos que d’aucuns pourraient traiter de convenu s’il ne détenait une part réellement originale. 

Commençons par le début avec l’arrivée en ville du narrateur, dénommé Sacha, écrivain en recherche d’une retraite calme et inspirante. Cette ville du sud de la France - indéterminée mais que l’on peut situer entre Lyon et Marseille - est une occasion de retrouver pour Sacha, un vieil ami perdu de vue depuis une dizaine d’années. 
Celui-ci est un être doté d’un charisme hors-norme, comme s’il n’avait jamais renié ses élans de jeunesse à savoir une vie libre et vagabonde qu’il a un temps partagée avec Sacha. Ce dernier l’appelle l’Autostoppeur puisqu’il ne cesse, dix ans après, de partir comme bon lui semble et silonner les routes à bord des voitures qui daignent le prendre en autostop. 

Est-ce difficile ? Pas du tout rétorque t-il, il est l'un des derniers à pratiquer ce mode de transport et en fait un style de vie qui lui procure les surprises qu’il recherche à partir des rencontres qu’il provoque. Mais la faille chez l’Autostoppeur se situe dans sa vie familiale car il est père d’un enfant et compagnon d’une femme qui doivent se soumettre à ses départs précipités et ses absences prolongées sur les routes (de France exclusivement). 

Sacha n’en revient pas. Comment Marie et son fils Agustin peuvent-ils supporter ce qui apparaît de l’extérieur comme une forme d’égoïsme absolu. Quel mystère pousse l’Autostoppeur à partir sans cesse et comment Marie parvient-elle à entretenir son amour avec ce voyageur inouï ? 

Cette lente approche du coeur humain est par endroit tout à fait admirable, on reste suspendu au dénouement que l’on pressent mais qui s’avère toujours insaisissable, reporté à plus tard à l’instar d’une résolution que l’Autostoppeur tarde à divulguer. 

Sacha, Marie et Agustin forment un trio toujours en attente des nouvelles de l’Autostoppeur qui allonge toujours plus ses voyages avec, comme nouveauté, l’envoi régulier de cartes postales le situant dans son périple hexagonal. Les lieux les plus insolites convergent vers la boite aux lettres de Marie jusqu’où jour où celle-ci décide d’aller rejoindre son amour, de le rechercher et tomber miraculeusement sur lui, bien sûr au bord d’une route.

Sylvain Prudhomme avec une force d’empathie terriblement efficace décrit les différents chemins de l’âme de ses personnages. L’énigme de l’Autostoppeur est totale et nous embarrasse autant que les trois êtres qui vivent à ses dépends, à son indéfinissable fantaisie, à moins que sa démarche ne détienne une profondeur insondable, une clé essentielle de la vie telle qu’elle doit être vécue. 

Quelque chose d’indécidable se profile à la fin du livre. Quel parti prendre ? La fin ouverte du roman laisse songeur, sommes nous pris au piège de l’informulée question laissée par l’Autostoppeur ? La prouesse est belle et suscite réflexion.

* Naturalisme : terme utilisé par Zola pour désigner sa conception du discours romanesque et du contenu de ce discours, chargé de transmettre une réalité "expérimentale" sur le modèle des sciences de la nature. Dictionnaire des littératures de langue française, éditions Bordas.

Senso d'ALFRED

Senso d'ALFRED aux éditions Delcourt, 19,99 euros


Après Prima Coma et la reconnaissance qui s’en est suivie (Fauve d'or, prix du meilleur album à Angoulême), Senso est une continuité italienne, chaude et donc sensuelle. 
Le ton audacieux (avertissement aux âmes prudes) est donné dès les premières pages - que l’on ne peut éviter - avec les ébats érotiques d’un couple, un couple faisant l’amour sans que l’on connaisse quoi que ce soit de leur histoire. 

Celle-ci (quelques pages plus loin) commence en été aux abords d’un prestigieux hôtel toscan. Un homme s’y présente exténué par la chaleur et découvre qu’un sérieux contre-temps va nuire à son séjour. L’hôtel est en effet complet en raison d’un mariage. Désemparé, il accepte le canapé que le réceptionniste daigne lui accorder et très vite voit les invités au mariage investir les lieux.

Malchanceux, fataliste mais aussi dépassé par des années qui l'ont rendu adulte sans le défaire des idées de sa jeunesse, notre héros, Germano, accumule de nouvelles connaissances - sauf une - que ce week-end étrange, suspendu dans le temps, lui procure.

Alfred exploite à merveille, comme il l’avait déjà très bien fait avec Prima Coma, les situations exceptionnelles et, comme pour Prima Coma - qui réunissait deux frères autour de la mort de leur père - une réunion de circonstance et les débordements qui l'accompagnent, sert de fond de toile à Senso

Le parcours de Germano durant cette longue nuit d’été provoque un arrêt temporel sur lui-même, une sorte de bilan d’autant bien venu qu’il est ouvert à une somme d’inconnus -donc peu concernés - qui ont la particularité d’être tout aussi, voire plus, enivrés que lui. 


Dès lors, on se rappellera l’entrée en matière de Senso et l'on trouvera un sens nouveau à cet épisode découlant des multiples déclarations de Germano avec, en point d'orgue, une rencontre essentielle poursuivie tout au long de cette histoire qui lui délivre un message quasi miraculeux sur les chances que parfois la vie vous apporte et remet en selle les destins les plus mal en point.



Tu ne dors pas, Isidore ?

Tu ne dors pas, Isidore ? de Frédéric Stehr, éditions Ecole des Loisirs, 12.50 euros, pour les 3/6 ans



Mais que font tous les ours l'hiver ? Ils hibernent bien sûr ! Tous ?! Non, manque de chance pour lui, le pauvre Isidore n'arrive pas à fermer l’œil. Et ce n'est pourtant pas faute de faire appel à toutes les bonnes astuces comme la lecture d'un bon livre agrémentée de la dégustation d'une bonne tisane. Mais non, rien n'y fait. Peut-être alors qu'une petite promenade pour se fatiguer les pattes pourrait être une solution. Et ne serait-ce pas aussi l'occasion de répondre à la fameuse question qu'il se pose depuis toujours: est-ce que tout le monde dort l'hiver ? Alors hop, sans plus attendre, c'est décidé, le voilà qui attrape son plus beau bonnet et part sur les chemins enneigés. 
C'est ainsi que l'aventure commence et qui sait, cela pourrait peut-être bien devenir l'aventure de sa vie, ou du moins celle qui fera qu'un bon bol de soupe au coin du feu sera toujours des plus chaleureux dorénavant.

vendredi 20 décembre 2019

La liste de vos libraires au Père Noël !

Parce que les meilleurs conseils portent parfois sur des livres que nous voudrions 
nous aussi avoir dans nos propres bibliothèques, voici la liste de vos libraires au Père Noël:


Au Noël de François:

  Maradona fou, génial et légendaire par So Foot, aux éditions So Foot, 29,90 euros
Maradona ! 
So Foot, qui est au passage devenu le meilleur site de foot en France (sofoot.com), consacre un livre spectaculaire à l’icône absolue du football. 
Oubliez Pelé, Di Stefano, Cruyff, Zidane, Messi et les autres, celui qui a enflammé les foules, c'est lui et aucun autre.
Preuve à l'appui avec les témoignages, les analyses, les petites et grandes histoires concernant ce petit homme volcanique dont la vie est une évocation à elle seule de la passion.
Tout le monde ou presque a un avis sur Maradona et me concernant j'évoquerai cette froide nuit de novembre 1988 où, dans le virage nord des tribunes du parc Lescure, je regardais comme un môme cette star mondiale s'échauffer avec un ballon qu'il apprivoisait comme un jouet. Le match ne fut pas inoubliable mais je garde le souvenir d'avoir vu une légende, une vraie.

Au Noël de Sylvie:

 France prodigieuse les plus beaux sites naturels de Patrick Espel, éditions Christine Bonneton, 22.90 euros


Grotte des Korrigans, cascade du hérisson, vallée des Merveilles, calanques de Piana .... autant d'idées d'évasion à travers toute la France. Lieux connus et moins connus : grâce à ce bel ouvrage illustré, découvrez les lieux naturels parmi les plus beaux sites de notre beau pays ! Difficile, une fois ce livre en mains, de rester chez soi !




Au Noël d'Emma:

Le géant chagrin de Carole Martinez et David Sala aux éditions Casterman, 18.50


Une explosion de couleurs grandeur nature pour célébrer le pouvoir de l'amour et la nature, voilà le défi amplement rempli par Carole Martinez et David Sala!
Dans un monde où tous les individus ont la même expression, où chaque maison est identique à la voisine, où le gris et la peur sont omniprésents, le chagrin et la colère du géant sont à l'origine du plus beau des désordres: les enfants devront rebâtir leur habitation en y mettant leur grain de folie, libérant ainsi leur créativité. La fantaisie devient alors la règle et réveille les cœurs endormis.

"Tout part en éclats, les murs blancs, la niche du chien, les volets proprets, la télévision, les ordinateurs. Le grenier plein de vieilleries abandonnées explose sous le talon du chagrin, libérant la vaisselle colorée des grands-parents, les bols ébréchés, le passé de mode, le rococo, les joyeux souvenirs de vacances, les graines de vieux rosiers, les livres d'images, les bulbes de fleurs oubliés...Un vrai feu d'artifice".

La beauté de cet album, qui n'est pas sans me rappeler l'émotion procurée, enfant, par la lecture du "géant égoïste" d'Oscar Wilde,nous invite tous à regarder plus loin, au delà de la clôture de notre jardin. Elle fait écho à la beauté du monde que nous avons la chance, parfois, de recevoir de nos parents.


Au Noël de Céline:

La fureur du beau par Akram Khan Company aux éditions Actes Sud, 59 euros


Cette splendide monographie retrace les presque vingt années de création de cet extraordinaire chorégraphe et danseur qu'est Akram Khan. La première partie en noir et blanc évoque essentiellement des moments de travail. Elle est accompagnée de croquis, de notes ou encore de dessins et d'illustrations des différents collaborateurs d'Akram Khan (scénographe, costumier...). La seconde en couleur montre les spectacles.
Les textes qui accompagnent cet ouvrage "Mémoire du futur" sont de Akram Khan et Farooq Chaudhry, producteur, cofondateur et allié fidèle.

Au Noël d'Anne:

Trait pour trait de Stéphanie Ledoux aux éditions Elytis, 35 euros


Que pouvons-nous dire d'autre sur ce livre à part qu'il est absolument magnifique et enthousiasmant ! Le seul regard envoûtant de la couverture vous incite à plonger dans les pages intérieures et vous fait immédiatement partir vers de lointains horizons tous empreints d'une humanité saisissante. Car c'est bien là ce qui fait le talent et la particularité de Stéphanie Ledoux toujours à la recherche de ce qui rend l'être humain unique. A travers ses portraits on sent toute la richesse des échanges qu'elle a pu avoir lors de rencontres avec les ethnies les plus reculées, ce qui nous donne qu'une envie : prendre à notre tour notre sac à dos et partir discuter avec le monde !

Au Noël de La Librairie Générale: 

Visions japonaises de Jean-Paul Alaux du Bassin d'Arcachon au Pacifique de Christel Haffner Lance, 38 euros: 



Voilà forcément LE livre coup de cœur de La Librairie Générale ! Notre attachement à ce livre que la librairie a co-édité avec l'hôtel Ville d'Hiver est bien sûr toujours aussi fort. Comment pourrait-il en être autrement lorsque le sujet montre un Bassin d'Arcachon si authentique tout en y ajoutant la touche d'un ailleurs doux et poétique.
Et quand on sait que ce livre vous offre en plus la possibilité de détacher et d'encadrer les douze reproductions des estampes de Jean-Paul Alaux, on se dit que voilà un bien beau cadeau de Noël à glisser au pied du sapin !


vendredi 13 décembre 2019

Parcs et pignots, panorama de l’ostréiculture sur le bassin d’Arcachon

Parcs et pignots, panorama de l’ostréiculture sur le Bassin d’Arcachon de Jean PROU et Sébastien HUSTE aux éditions Sud-Ouest, 24,90 euros.


Dédicace exceptionnelle des deux auteurs
 à la librairie
SAMEDI 14 DECEMBRE
de 10h30 à 12h00


En feuilletant ce beau livre sur le Bassin d’Arcachon, une quantité d’hommes et de femmes s’imposent sur les clichés pris par Sébastien Husté. Le photographe aurait pu les oublier et se laisser prendre par les paysages variés et changeants du Bassin et ses parcs mais en y glissant des travailleurs en action, un fort sentiment d’humanité s’empare du lecteur. 

Les corps arcs-boutés, concentrés dans l’effort, entourés d’une eau complice mais avec qui il faut toujours composer, donnent une idée puissante des travaux colossaux que réclame le métier d’ostréiculteur.

Le texte de Jean Prou, dont on ne doute pas un instant la compétence, semble lui-même contaminé par le romantisme éclatant des images. L’histoire de l’ostréiculture sur le Bassin d’Arcachon est parsemée d’humanité teintée de nostalgie et, pourquoi pas, de poésie. Écoutons :


« L’ostréiculteur ajuste son travail sur les parcs au rythme de la lune et du soleil. »

Et encore :

"Ensemble, l'ostréiculteur et son élève, l'huître, ont compris qu'ils n'étaient que deux petites pièces de ce monde où le temps et l'espace se jouent de tout et s'amusent des règles trop droites et des horloges trop à l'heure, où tout se joue sur le terrain, à chaque marée, chaque maline, chaque saison, chaque année;"

Alors l'inlassable labeur reprend les devants et ce depuis ses origines, lorsque Napoléon III, grand instigateur de la renommée du Bassin lui alloua par l'entremise d'un certain Victor Coste, une légitimité et une législation.

Voilà quelque chose qui manquait ou plutôt qui n'existait plus, un livre de référence sur l'ostréiculture du Bassin. Il tombe à pic, c'est Noël.


         

Prins de César Aira

Prins de Cesar Aira, éditions Christian Bourgois, 15 euros




Il ne fait pas bon être un auteur à succès. Pas dans ce roman là. En effet, le personnage principal de César Aira décide du jour au lendemain d'arrêter d'écrire sous prétexte qu'il est arrivé au bout de ce qu'il pouvait créer, avec une sensation d'avoir suffisamment "manipulé" ses lecteurs par des romans trop codés et formatés pour le succès et la renommée.

Cesser d'écrire, pour toujours, liquider la dette pérenne de l'écriture, voilà qui me laissait la liberté de m'organiser, dans un seul but: me sentir bien. Il ne me restait qu'à trouver la bonne occupation de substitution; probablement était-elle à portée de main, cachée dans la grande encyclopédie du monde.

Sa nouvelle attraction se situe rue Hong Kong, au bout d'une ligne de bus, dans un quartier malfamé de Buenos Aires, au cœur d'une curieuse boutique nommée l'Antiquité, tenue par un homme se faisant appeler "L'Huissier". Elle se matérialise en un bloc très volumineux qui a pour vocation d'être consommé afin d'atteindre un état proche de l'extase, à l'instar d'écrivains comme Baudelaire, Cocteau, Artaud. Il s'agit bien sûr d'opium.
L'arrivée de l'opium dans le roman de César Aira procure autant de divagations chez nous lecteur que dans la vie de son personnage. La drogue projette alors un faisceau biaisé, telle une séance de cinéma dans laquelle se superposent plusieurs événements de sa vie, une vie qui a réellement eu lieu et quelques hypothèses qui apportent leur lot de folie. Libre au lecteur de s'y retrouver, sachant que dans les romans de César Aira, personne ne se perd. Ou alors, on l'a choisi.
Ici on fait le choix de ne pas vouloir comprendre pourquoi la clé de l'"Antiquité" se situe à l'intérieur du bloc d'opium, et qu'il faut impérativement fumer le bloc entier pour libérer la clé et dénouer la relation étrange qui relie le personnage central et l'Huissier.
On fait le choix encore plus fort de jubiler lorsque l'on découvre Alicia, rencontrée pour la première fois aussi bien dans le bus qui va rue Hong Kong que sur les bancs de l'université, dans la jeunesse de l'auteur gothique.

On fait enfin le choix de faire lire ce livre à tout notre entourage, tant il est plaisant, juste, hilarant. Parce qu'on a envie d'offrir ce moment de liberté procuré non pas par l'opium justement, mais par la littérature quand elle est bien à sa place, sans prétention aucune.






Charlotte Perriand

Charlotte Perriand, une architecte française au Japon 1940-1942 de Charles Berberian aux éditions du Chêne, 19,90 euros.


Charlotte Perriand n'avait peur de rien. Pas plus de Le Corbusier qui la regretta vivement sitôt qu'elle lui annonça son départ pour le Japon en 1940; pas plus de ce voyage au long cours dans un pays dont elle ignorait à peu près tout mais qu'elle mit un point d'honneur à bien connaître pour mener à bien sa mission de conseillère dessinatrice en arts décoratifs auprès du ministère du commerce extérieur japonais (sic).

Sans surprise, cette mission rencontra le succès. 
Tout le charme de ce livre repose sur la volonté farouche de Charlotte Perriand que nous transmet Charles Berberian. Cette femme, on s'en rend compte, avait trois ou quatre décennies d'avance sur son temps. C'était une visionnaire à l'instar de son maître déjà cité Le Corbusier. 
Pourtant sa recette était simple, elle s'inspirait de la tradition japonaise, dans son utilisation du bambou notamment pour en élaborer de nouvelles formes. Son exposition s'intitula non sans raison "Sélection, transition et création". Le 27 mars 1941 l'inauguration eut lieu aux grands magasins Takashimaya de Tokyo. L'attaque de Pearl Harbor eut lieu en décembre de la même année et annonça la fin de l'aventure japonaise de Charlotte.

L'entretien qui suit cette aventure dessinée entre Charles Berberian et la fille de Charlotte, Pernette, éclaire la vie et la personnalité de l'architecte tout comme la perception de l’œuvre. L'exercice oscille  entre admiration et compréhension de la démarche authentique et déterminée de Charlotte Perriand, qui s'avère à la fin du livre être une femme réellement exceptionnelle.


Petit renard d'Edward van de Vendel et Marije Tolman

Petit renard d'Edward van de Vendel et Marije Tolman, éditions Albin Michel Jeunesse, 15.90 euros


Une petite pépite venue des Pays-Bas pour enchanter cette fin d'année: suivons les aventures d'un renard à la découverte du monde: couleurs, parfums, proies mais aussi prédateurs, cauchemars, dangers. Avec l'aide de sa famille, petit renard n'est pas perdu, il saura écouter les conseils avisés pour être accepté dans l'univers de dame Nature, sans jamais perdre son âme de renardeau. Même une douce présence humaine lui sera fort utile pour le sortir d'une mauvaise passe.

A lire à des enfants à partir de 4 ans, cet album aux décors basés sur le réel pourra également servir de première lecture à lire seul. Un univers très original pour parler de deux thèmes universels : la liberté et la vie en communauté.







vendredi 6 décembre 2019

CARTES ANCIENNES DU BASSIN D'ARCACHON

CARTES ANCIENNES DU BASSIN D'ARCACHON aux éditions de la Société Historique et Archéologique d'Arcachon et du Pays de Buch, 36 euros.

Cartes anciennes du Bassin d'Arcachon sera le grand livre d'histoire locale de l'année et fera ainsi date pour les années à venir.
Le travail accompli par les auteurs s'impose dès les premières pages, dès sa préface, dès son introduction.
On sent la langue savante, précise, didactique.
On entre de plain pied dans l'histoire humaine, celle qui consista à s'approprier le monde en le mettant à plat, en le dessinant pour ne plus s'y perdre aussi bien à pied qu'en bateau. Surtout en bateau.

On s'avisera des premiers marins partis vers le pays des glaces constater que, là-haut, le soleil disparaît derrière les montagnes ou les nuages et qu'il y a là une anomalie en rapport avec la croyance d'une terre plate. Nous étions au temps des Grecs, premiers observateurs lucides sur la probable rotondité de la Terre.

Puis, au fil des riches et extraordinaires illustrations qu'on feuillette, apparaît une esquisse du Havre d'Arcachon, c'est émouvant. La progression alors ne s'arrête plus, le Havre devient Mer avant que le mot Bassin surgisse enfin et son conglomérat de lieux-dits et de communes.
Tout est dit sur l'évolution de ce territoire atypique à plus d'un titre. Arcachon port de guerre ! Presque, Vauban suit les conseils de son cartographe Claude Masse et renonce en raison de la dangerosité des passes qui suffisent à dissuader les potentiels assaillants.

Bon vent à tous ceux qui vont s'embarquer dans cette odyssée, ils ne le regretteront pas !

     Une dédicace exceptionnelle a lieu à la librairie
SAMEDI 7 DECEMBRE
de 10h30 à 12h00

Extérieur monde d’Olivier ROLIN

Extérieur monde d’Olivier ROLIN aux éditions Gallimard, 20 euros.
Il n’a pas eu le Goncourt mais il était parmi les derniers prétendants. Quelqu’un, semble t-il, dans la célèbre académie, l’a défendu plus qu’il ne l’aurait lui-même souhaité car Olivier Rolin ne court pas après les honneurs, il court le monde.

Il s’est lui-même choisi une place de bourlingueur dans le monde littéraire français (comme son frère Jean, mais autrement) et forme avec quelques autres (assez nombreux quand même) une corporation d’auteurs qui prennent leurs cliques et leurs claques pour un temps indéfini et s’en reviennent tôt ou tard avec de quoi faire un livre. 

Cette fois, Olivier Rolin, l’âge aidant, est parti en arrière, plus ou moins dans le désordre,  rebondissant au hasard des souvenirs - qu’il a nombreux - de ses pays fétiches et d’autres encore qu’il a parcourus au fil d’invitations qu’il a honorées bon an mal an de séminaires en conférences aux quatre coins du monde.  

Tout n’est donc pas ici retranscrit dans l’ordre. Temps et lieux apparaissent selon les rencontres masculines et féminines qui servent préférentiellement à Olivier Rolin de fil rouge au livre et l'envoient, tel des poteaux indicateurs, d’un point à un autre, d’une humeur nostalgique vers une autre (plus rarement) maussade. L’évocation de paysages lui rappelle également des anecdotes que ce voyageur solitaire, épris de carnets, a consignées en maints endroits, des années durant.

Alors par quoi commencer pour cerner ce personnage éminemment littéraire ? Dans cet autoportrait sincère, nous découvrons un homme porté par une forme de romantisme plutôt que l’aventure, un affectif débarrassé d’intellectualisme, un esthète qui depuis longtemps n’aspire plus à l’action politique. Certains pourraient avoir du mal à s’accommoder du récit de ses conquêtes féminines qui parsèment ses voyages en Afrique, en Asie, en Amérique ou en Russie mais c'est peut-être là que se trouve la motivation qui l’a poussé sur des routes désertiques, dans des trains de nuit interminables, vers des ports sortis de nulle part ou sur des îles ou dans des villages ou villes aux noms redoutables? 

Sans doute, enfin, s’est-il cherché lui-même comme tout voyageur qui se respecte et a-t-il réussi à ramener de ces endroits si perdus et si lointains sinon de la poésie, du moins une vie poétique.

CORTO MALTESE T.15, Le jour de Tarowean

Corto Maltese T.15, Le jour de Tarowean de Juan Diaz CANALES et Ruben PELLEJERO aux éditions Casterman, 16 euros.


À Angoulême, nul ne peut ignorer que la Bande Dessinée occupe une place de choix dans les rues de la ville. Il y a bien sûr, en plus de la multitude de murs dessinés de personnages, le buste d'Hergé qui trône dans la rue qui porte son nom au cœur du centre ville. 

Et, sur la passerelle qui mène au musée de la Bande Dessinée, la statue de Corto Maltese est une réussite absolue.
D'autres apparitions du visage ou de la silhouette créés par Hugo Pratt confirment qu'il s'agit bien du personnage le plus représenté dans cette capitale de la BD.

Une séquence d'archives d'ailleurs est consacrée à Hugo Pratt dans le musée. On entend le vénitien parler de sa famille qui fut, dit-il, totalement fasciste à l'époque mussolinienne.
Corto Maltese, donc, pirate au grand cœur, symbolise un caractère héroïque puissant et adulé, une forme rare et réussie d'un personnage indépendant, un aventurier au physique avantageux proférant des pensées profondes, mélancoliques et poétiques.

Les auteurs qui ont poursuivi, depuis quelques albums, la destinée de Corto Maltese n'ont pas su ou pu perpétuer la prose envoûtante et donc unique d'Hugo Pratt. Ils ont privilégié l'aventure, les péripéties et l'exotisme conservant tout de même, et à la perfection, l'allure longiligne du marin au regard mutique et néanmoins expressif.

Le résultat (au demeurant coloré) est tout à fait honorable. La présence de l'alter ego démoniaque de Corto, le dénommé Raspoutine, donne du nerf aux histoires. Les dessins plantés à l'extrême bord des continents, sur des eaux magiques et peuplées d'îles inconnues font merveilles.

Inutile alors de faire la fine bouche, ces nouvelles aventures sont brillantes, échevelées, parfois drôles et gardent une aura et un charisme au personnage de Corto Maltese. Peu importe que cela soit quelque peu différent de ce que lui insuffla son créateur, le propos est tout à fait digne d'entretenir la légende et le mythe d'un immuable héros de la Bande Dessinée.



Une étrange petite chose noire de Reza Dalvand

Une étrange petite chose noire de Reza Dalvand, éditions Rue du Monde, 16 euros.


Les fêtes de fin d'année sont un moment idéal pour rêver, imaginer et créer. Voici un album qui honore le mystère dans ce qu'il a tout d'abord de négatif, puis d'extrêmement positif.
Négatif car une petite chose noire non identifiée venant s’immiscer dans la vie d'un léopard, un corbeau, un renard, un cerf, une chouette, un chat, les amène à se poser de nombreuses questions sur l'origine de ce petit objet luisant.
Est-ce signe d'invasion, de guerre, de fin du monde? Ou est-ce simplement une crotte, une tache? Chacun y voit midi à sa porte, et il est facile d'y apporter son lot d'angoisses.
C'est dans ce contexte qu'interviennent l'innocence et le calme propres à l'enfance. A la dernière page de ce livre, une question est posée au jeune lecteur, dont l'imagination débordante saura apaiser le chaos semé dans la forêt des animaux.  

Les éditions Rue du Monde nous offrent une nouvelle fois l'occasion de rêver en famille et d'admirer les couleurs magnifiques d'un album pensé pour remplacer la peur de l'autre par un sens de la fraternité.