Les uns contre les autres de Franck MAUBERT aux éditions Fayard, 17 euros (parution le 19 août 2015).
Le milieu des années 80 correspond, en France, à un bouleversement général de ce que l'on a eu tôt fait d'appeler le PAF qui procéda en premier à la naissance de la chaîne payante Canal+ puis, dans un ordre quelque peu dispersé, à la privatisation de TF1, à l'arrivée de la 5 accompagnée de sa petite sœur M6 (feu TV6) et enfin d'ARTE qu'on appelait à son début la SEPT.
Dès lors, nous avons eu droit à une floraison d'émissions nouvelles et par conséquent à de nouveaux animateurs comme celui qui va occuper une large place dans le nouveau roman de Franck Maubert.
Nous étions soi-disant au cœur des "années fric" que le monde de la télévision ne se lassait plus d'exhiber et pour cause, elle en vivait.
Le narrateur de ce roman, qui ne se cache pas d'être l'auteur en personne, a vécu au milieu de cette fête sans fin que fut, entre autre, l'année 1988.
Il y navigua depuis son bel appartement jusqu'à la boîte de nuit la mieux fréquentée de Paris, il fraya parmi les mannequins des plus grands couturiers, rencontra les artistes les plus en vue et vit beaucoup d'argent disparaître dans une consommation effrénée d'alcool et de drogue.
Pourtant Franck Maubert n'écrit pas dans le registre attendu des cadors d'une époque ayant tout connu, tout vécu. L'homme qu'il était à ce moment-là détenait certes un beau carnet d'adresses mais il n'en fait pas étalage et d'ailleurs chaque célébrité est affublée d'un pseudo à commencer par ce futur présentateur vedette baptisé Ferdyck, portrait pleinement réussi qui dicte le tempo du roman.
La rencontre de Ferdyck avec Franck Maubert repose sur la création d'une de ses fameuses émissions que la 5 souhaitait propulser en deuxième partie de soirée, le samedi.
Ferdyck, venu de la publicité et déjà affûté par son passage sur TF1 dont il a sans doute acquis l'esprit féroce, compte bien continuer à faire ses armes d'animateur provocant, recherchant une crédibilité branchée mais manquant cruellement de réseau dans le monde des artistes et du spectacle en général.
Franck Maubert s'associe au projet et devient une aide précieuse au moment où il faut présenter l'émission aux grands pontes de la chaîne.
En parallèle, l'auteur nous invite sur les traces d'une existence, la sienne, qui dériva certainement à plusieurs reprises mais sans jamais atteindre celles dont il se révèle être un grand témoin. Une part lucide de son être lui est sans doute apparue lors de l'écriture de ce roman où les grandes fêlures de ces apparatchiks de la nuit, quels qu'ils soient et où qu'ils soient dans l'échelle sociale, apparaissent infailliblement.
Le résultat demeure malgré tout assez nostalgique mais on peut le comprendre. Tout le monde n'a pas eu la chance d'évoluer au cœur de ce monde si privilégié et ostensiblement tournée vers la fête.
1988 qui fut l'antichambre d’événements historiques à venir (la chute du mur de Berlin) laisse néanmoins le temps à Franck Maubert de ranimer une flamme toujours agréable où chacun peut à son goût regretter ou pas d'avoir vécu ce parfum prégnant dit des "années quatre-vingt".